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Le parler de Diou

Elevé dès mon plus jeune âge, comme mon épouse, à Diou, village du Val de Loire jouxtant la Sologne Bourbonnaise, auquel nous sommes demeurés attachés et où nous avons toujours effectué au moins un séjour annuel, j'ai souhaité retrouver la saveur particulière du langage que j'ai connu dans mon enfance. Il était tenu alors, y compris par ceux qui l'employaient couramment, pour du "français écorché", son usage était interdit à l'école et je reprenais mes grands-parents lorsqu'ils en usaient. Devenu adulte, mon regard a changé et, tout en approuvant sans réserve l'œuvre unificatrice accomplie dans le domaine de la langue par la République, j'ai compris la richesse que constituait le parler de mon coin de terroir.

C'est pourquoi, d'abord pour mon plaisir puis à l'intention de mes enfants, j'ai noté pendant plus de quarante ans, au hasard des conversations et des réminiscences, les termes et expressions, entendus dans mon petit pays, qui me paraissaient marginaux par rapport au français dit ‘’standard’’. C'est donc bien d'un recueil qu'il s'agit, et d'un recueil de langage oral : les parlers locaux sont des "parlers" et il est vain de vouloir en faire matière à littérature. J'ai d'ailleurs été tenté de ne présenter le fruit de ma cueillette qu'en "alphabet phonétique international". Toutefois il m'a paru que les écrire d'abord dans une orthographe ordinaire, quoique souvent incertaine et approximative, présente le double avantage de les rendre plus accessibles et de mettre en évidence leurs parentés et leurs dissemblances avec les termes qu'on rencontre dans les dictionnaires contemporains usuels.  

J'ai recensé quatre types de termes : ceux qu'ignorent ces dictionnaires ; en second lieu certains mots qui ont "par chez nous" un sens différent de ceux qu'indiquent ces ouvrages ; d’autres qui, donnés pour avoir le même sens, sont de nos jours très peu usités ; enfin quelques-uns dont la prononciation locale fait de véritables "doublets" de leurs parents reconnus en français courant. Le fonds essentiel est constitué de mots et de tournures entendus dans les bouches du couple de paysans qui m'a élevé, de leurs voisins, d'amis nés comme moi "au pays" et qui ne l'ont guère quitté. La richesse de leur lexique variait bien entendu en fonction de la culture de chacun, culture scolaire ou acquise, ne serait-ce que par la lecture d'un journal, mais aussi culture constituée naturellement au hasard des conversations et des rencontres. Manque notamment dans ce recueil – et c'est une grave lacune car il s'agit d'un domaine riche en termes originaux – le vocabulaire relatif à la flore ; c'est qu'il suffisait à mes grands-parents de savoir désigner les plantes utiles ; tout le reste était pour eux "de la mauvaise herbe" qu'ils se souciaient davantage d'arracher que de nommer.

Rendre un compte exact du langage d'un terroir, même limité en étendue, aurait supposé, à une période donnée, l'enregistrement de multiples conversations, le comptage des occurrences langagières et des fréquences d'emploi ; entreprise de chercheur qui n’était pas mon propos. J'ai cependant nourri mon enquête de quelques lectures. Le quatrième tome, consacré aux parlers, du monumental ouvrage de Camille GAGNON "Le Folklore bourbonnais" rassemble une somme considérable de termes usités dans l'ensemble de la ci-devant province ; les références à la Sologne bourbonnaise, à Dompierre-sur-Besbre et Pierrefitte-sur-Loire y sont assez nombreuses pour qu'on en puisse tirer, en les regroupant, un lexique substantiel du Nord-Est du département. En sens inverse, le très riche "Dictionnaire Général des Patois Bourbonnais" de Marcel BONIN permet une traduction du français en "bourbonnais" et même en parler de chacune des zones linguistiques, parmi lesquelles figurent Sologne et Val de Loire. Parmi ces ouvrages généraux, qui ont l'immense mérite de mettre en évidence parentés et oppositions linguistiques dans un cadre géographique assez large, j'ai envie de faire une place à part au passionnant "Dictionnaire du parler bourbonnais et des régions voisines" de Frantz BRUNET, en raison de l'étude philologique et historique et des références littéraires auxquelles chaque vocable sélectionné donne lieu. Le présent recueil se situe bien plus modestement dans la lignée de la recension des "Mots du Theil"effectuée par Marie BIDET ou du lexique réuni par Claude ROULEAU dans la partie consacrée au parler de son "Essai de folklore de la Sologne bourbonnaise", avec lequel, compte tenu de la proximité de Thiel et de Diou, il offre de nombreuses similitudes. Mais il ne procède pas d’une démarche rigoureuse comme celles de BRUNET pour "Le parler de Franchesse" ou de l’Abbé Xavier BOUQUET DES CHAUX pour "Le parler de Châtel-de-Neuvre", ouvrage difficile à consulter à cause de la transcription phonétique adoptée, comme c'est le cas aussi du mémoire universitaire soutenu en 1943 par Paul VERNOIS : ‘’Essai sur le parler de la Sologne bourbonnaise", ouvrage scientifique d’un linguiste authentique, mais qui laisse malheureusement de côté le canton de Dompierre-sur-Besbre.. Récemment sont parus, agréablement enrichis d'anecdotes, de contes ou de photographies, "Mal t'a propos", ouvrage collectif sous la direction de Roland MICHEL consacré au parler de Maltat, commune administrativement bourguignonne mais proche de Bourbon-Lancy et linguistiquement plus bourbonnaise que morvandelle, et, sous la triple plume des frères André, Michel et Robert BUISSON, "Le Vilhain en Bourbonnais, un parler au cœur de France". Ceux de ces ouvrages qui m'ont paru abordables ne m'ont servi qu'à comparer graphies et prononciations des termes qui y figurent avec celles que j'avais relevées ; il est quelquefois arrivé que la rencontre d'un mot éveille un souvenir enfoui, mais je me suis gardé d'inclure dans ma récolte les fruits mûris sur d'autres arbres.

Je suis entré en relations avec un groupe d'amoureux du parler de notre région réuni autour de Messieurs Alain MULLER et Michel LABONNE qui, en collaboration avec la Société d'Emulation du Bourbonnais, a entrepris depuis des années d'effectuer un recensement exhaustif du vocabulaire de la Sologne bourbonnaise en s'appuyant sur un réseau de "locuteurs de référence" répartis dans les cantons de Chevagnes et Neuilly-le Réal. Le fruit de ce travail considérable est bien plus important que le modeste recueil que j'ai constitué ; cependant je ne renie pas celui-ci, si incomplet soit-il, au double motif que Diou, situé à l'est de la Besbre, n'est pas une commune franchement "solognote", et que d'un village à l'autre le langage diffère. 

On ne peut pourtant être certain que chaque mot que je cite soit authentiquement diouxois : mon grand-père était né à Garnat-sur-Engièvre, à quinze kilomètres de Diou, et d'un père lui-même originaire de Dornes, localité de la Nièvre limitrophe de l’Allier. Venue se fixer à Diou à la fin du XIX° siècle, sa famille avait dû importer son vocabulaire et sa syntaxe et les transmettre à ses enfants. Car les mots, comme "les mondes", sont voyageurs : ils migrent au hasard des mariages, des déménagements, des rencontres sur les "plans de foire". L'argot même, rapporté du service militaire, a contaminé la langue originelle. Et de plus chacun en use à sa guise ; de même que le "français" courant peut n'être pas exempt d'impropriétés, de même le patois n'est à l'abri ni des barbarismes ni des solécismes.

J'ai connu, pendant la guerre, un vieillard persuadé que, selon leur nationalité, les avions pouvaient être de mauvais ou de "bons bardiers". Tel autre énumérait les "avécongnients" de son âge déjà avancé. Plus répandues sont des déformations comme "liméro" pour "numéro", "cavotchou" pour "caoutchoux", des confusions comme "comparaître" pour "comparer", "déchiffrer" pour "défricher". C'est peut-être ainsi qu'une "gousse" d'ail est devenue une "dousse". Une épicière inventive, disant refuser d’ajouter foi à des racontars, déclarait : ‘’Tout ça, c’est de la jalouseté, de la méchancetise et de la bisquaison’’ ; c’est la même qui, excédée un soir pendant l’occupation, s’était exclamée  ‘’Les Français, dhiors, les Allemands, raouste ! il me faut de l’accalmie et de la reposance.’’ Récemment encore, un septuagénaire disait, en parlant de salade, qu'il avait semé "de la du des moines", au grand amusement de son interlocuteur qui, plus instruit, savait qu'il eût fallu dire, pour parler un diouxois correct, "de la des moines", "la" ayant au pays la valeur démonstrative de "celle".

DES CHAMPS LEXICAUX PRIVILEGIES.

On ne s'étonnera guère que le parler de notre village, anciennement peuplé de cultivateurs et de mariniers, soit riche de termes spécifiques touchant aux travaux de la terre et aux cours d'eau. Dans les labours les "laiches" accolées forment des "billons", perpendiculairement limités par les "sieintes", et il faut être riverain de la Loire pour distinguer "un gour" d'une "ganche" et d'une "boire". La verdeur de la langue n'est pas non plus pour surprendre. Mais ici une remarque s'impose, qui tient à un fait de culture : si les mots et surtout les expressions relatifs à l'excrétion foisonnent dans le discours de mes compatriotes, on ne trouve pratiquement pas de termes originaux pour désigner les activités et les organes sexuels : certes un gars peut "arranger""gaugner" ou "chausser" une "gatte" – et on notera le machisme sous-jacent à ces verbes : comme en français classique, l'homme est sujet agissant et la femme objet passif de l'acte d'amour ; mais s'ils entretiennent une liaison durable, on dira plus volontiers que l'un "va avec" l'autre. Et une maladie vénérienne n'est qu'un "restant de bonne conduite". La langue des villageois est teintée de pudeur.

On ne peut pas ne pas remarquer qu'elle traduit en revanche la brutalité des moeurs : très nombreux sont les termes relatifs à la bagarre, à la violence : à force de ‘’chanter pouilles’’ à Pierre et Paul, et de ‘’chercher castille’’, on finit par ‘’ramasser baraille’’ et voilà ‘’une batterie’’ qui s’emmanche ! Frapper quelqu'un, c'est l'"astiquer, le"brener", le "beugner", le "cirer", le "panser", le "tanner", le "teugner", lui "foutre une daubée", "une pegnancée""une peignée"‘’une tatouille’’,"une tournée" ou ‘’une trifouillée’’. Comment s'en étonner ? Outre le fait que la vigueur corporelle était particulièrement prisée dans un monde où les travaux de la terre ou de la ‘’marine’’ réclamaient agilité, force et résistance, il faut se convaincre que les "bandes" rivales ne sont pas nées dans les banlieues de notre civilisation post-industrielle. Voilà plus d'un siècle, les garçons n'allaient au bal dans certains villages voisins qu'en groupe et armés de solides gourdins ; sans doute n'usait-on pas d'armes à feu, et rarement d'armes blanches. Mais des hommes qui étaient jeunes au dix-neuvième siècle sont restés estropiés à vie d'avoir reçu un "mauvais coup" ; et, dans ma première enfance, j'ai entendu évoquer à mots couverts une ou deux morts suspectes que de peu actives enquêtes n'avaient jamais élucidées.

Les particularités du langage local ne consistent pas seulement dans l'utilisation de termes et de tournures qui lui sont propres ou dans l'attribution d'un sens particulier à des vocables du langage standard. Un Diouxois privilégie également certains mots aux dépens de leurs synonymes. Ainsi du mot "visage" ; pour nos compatriotes, il fait partie du langage précieux et dans le parler courant on emploie systématiquement "figure", au point que le verbe "défigurer" avait chez nous le sens de "dévisager". "Presque", inusité, laisse place à "quasiment" ou à "guère moins". De même, pour évoquer un disparu, on ne dit jamais "feu Untel" mais "défunt" le père Machin. "Autrefois", "jadis", "naguère" n'ont pas droit de cité ; pour évoquer le temps passé, on vous dira que "dans le temps" les hivers étaient plus rudes. Et si un ancien se remémore sa jeunesse, il commencera le récit de ses souvenirs par "de mon temps" ou "dans mon jeune temps". On trouvera en appendice quelques exemples de ce jeu de "on ne dit pas ..., on dit ..."

"On dit ..." mais comment dit-on ? ou plutôt comment prononce-t-on ? Quelques remarques sur les sons me paraissent ici indispensables.

LORSQUE, ÉTUDIANT À PARIS, JE REVENAIS AU PAYS, LE PARLER DES VOYAGEURS MONTANT DANS LE TRAIN À PARTIR DE NEVERS ME SIGNALAIT L'APPROCHE DU BOURBONNAIS. ILS AVAIENT L'ACCENT TRAÎNANT QU'ON ATTRIBUE AUX "CH'TITS GARS DE L'ALLIER". EN EFFET LA PLUPART DES SONS VOCALIQUES ACCENTUÉS SONT LONGS ET FERMÉS, NOTAMMENT LE [E] : "TÊTE" ET BÊTE" S'ÉNONCENT "TÉT" [TET]ET "BÉT" [BET], "MÊME" DEVIENT "MÉM" [MEM], ON PRONONCE ‘’POULET’’ "POULÉ" [PULE] ; ‘’ÊTRE À SON AISE’’ SE DIRA [ETASDNEZ] ; DANS QUELQUES CAS POURTANT LE [E] ACCENTUÉ RESTE À-DEMI OUVERT : ON TRANSPORTE UN TONNEAU DE [BWET] (‘’BOUETTE’’ = MAUVAIS VIN) SUR SA [BERWFT] (BROUETTE). ON NE DIFFÉRENCIE PAS, OU PEU, LE [C] DE "MORT" DU [O] DE ‘’MOT’’; ET SI L'ON DISTINGUE LES DEUX [A] ANTÉRIEUR ET POSTÉRIEUR DE "PATTE" [PAT] ET "PÂTE" [PAT], LE [A] ACCENTUÉ SE RAPPROCHE PLUS SOUVENT DU SECOND QUE DU PREMIER. MAIS L'ACCENT TONIQUE EST ERRATIQUE, PARFOIS TOUTES LES SYLLABES PEUVENT ÊTRE PRONONCÉES AVEC UNE ÉGALE INTENSITÉ ; DANS LA TRANSCRIPTION PHONÉTIQUE DU [A] INITIAL J'AI CHOISI DE PRIVILÉGIER, SAUF DEVANT DEUX CONSONNES, LA VARIANTE [A] ; MAIS LA PLUPART DE MES LOCUTEURS DE RÉFÉRENCE ÉMETTAIENT UN SON INTERMÉDIAIRE : "ABATELEUR" QUE J'AI TRANSCRIT PAR [ABATLŒR] AURAIT PU L'ÊTRE AUSSI PAR [ABATLØR]. EN TOUT CAS LE CHOIX DU [A]EST SYSTÉMATIQUE EN POSITION FINALE DEVANT UN [R] : ON PEUT VOIR DES [LIZAR] QUAND ON FAUCHE AU [DAR] ; CELA SE RETROUVE AU COEUR D’UN MOT : SI ON RESTE COI, ON NE PEUT PAS "DÉBÂILLER" [DEBAJE] UNE PAROLE. LES VOYELLES NON ACCENTUÉES ONT TENDANCE À S'AFFAIBLIR : AINSI LE "É" FERMÉ NOTÉ [E] ÉVOLUE VERS UN "E" FAIBLE NOTÉ [E] : "LÉCHER" DEVIENT "LECHER" [LEIE], "BÊLER" "BELER" [BELE],"PÉTER" "PETER[PETE] ; LE PHÉNOMÈNE PEUT FRAPPER D'AUTRES VOYELLES : "PANNET" (PAN DE CHEMISE) EST DEVENU "PENET[PENE], VOIRE "P'NET' [PNE], MAIS PARFOIS LE [E] DEVIENT [A] COMME DANS ''CHERCHER'' PRONONCÉ "CHARCHER" [IARIE] OU "SARCHER" [SARIE]. CERTAINS PRONONCENT LE ''EU OUVERT"[M] DE "PEUR" ET DE "MEUBLE" COMME UN [E] FAIBLE, MAIS BEAUCOUP LE FONT SENTIR EN L'ALLONGEANT AU POINT DE LE CONFONDRE AVEC LE "EU FERMÉ" ACCENTUÉ DE "FEU" NOTÉ [O]. ON ÉLIDE CE MÊME [E] FAIBLE QUAND IL EST PRÉCÉDÉ D'UNE CONSONNE SOURDE : "PTIT" [PTI] POUR "PETIT" ET "CHTIT" [ITI] POUR "CHETIT", "CHVEU" [IVO] OU "CHVAUDE" [IVOD] POUR "CHEVEU" OU "CHEVAUDE" (JUMENT), MÉM'MENT [MEMMB] POUR "MÊMEMENT" ; LA SEMOULE DEVIENT DE LA "SMOUILLE" [SMUJ] ; LE "É FERMÉ" [E] ET MÊME LE "EU" [E] PEUVENT SUBIR LE MÊME SORT : LE FLÉAU EST UN "FLAU", UN "VERRAT" DEVIENT UN "VRAT[VRA] ET L'ON PRONONCE "PTÉT" [PTET]POUR "PEUT-ÊTRE", C'EST VRAI AUSSI APRÈS UN [L] :"LGARS"[LGA] POUR "LE GARS", "MALREUX" [MALRO] POUR "MALHEUREUX" ET APRÈS UN [R] COMME DANS "RENARD" :"RNARD" [RNAR] OU REGARDER : "RGARDER" [RGARDE]. OU BIEN IL EST REJETÉ APRÈS DEUX CONSONNES QUI DEVRAIENT NORMALEMENT L'ENCADRER :"STE" [STE] AU LIEU DE "CET". LES PRONOMS PERSONNELS PEUVENT SUBIR CETTE ÉLISION MÊME DEVANT UNE CONSONNE : "JE VA" S'ENTEND "J'VA" [JVA], "TE PASSES" "T'PASSES" [TPAS], SAUF IMPOSSIBILITÉ DEVANT UNE CONSONNE DE MÊME FAMILLE : "JE JEUILLE", "TE TIENS" ; NOTONS QUE LE "L" DE "IL" SUBIT LE MÊME SORT : "IL A", MAIS "I VA". ENFIN LA SUCCESSION RAPPROCHÉE DE PLUSIEURS "E" FAIBLES ENTRAÎNE DES ÉLISIONS EN CASCADE ; S'IL Y EN A DEUX, ON A LE CHOIX ; "TE ME DIS" PEUT S'ÉNONCER "TE M'DIS" [TEMDI] OU "T'ME DIS"[TMEDI]"ÇA QUE TE DIS[SAKTEDI] OU [SAKETDI], "JE ME SUIS" DEVIENT "JE M'SUS[JEMSY] OU "J'ME SUS" [JMESY]. S'IL Y EN A TROIS, ON NE FAIT GÉNÉRALEMENT ENTENDRE QUE LE SECOND : "ÇA QUE TE ME DIS" DEVIENT "ÇA QU'TE M'DIS" [SAKTEMDI] - MAIS CERTAINS PRÉFÈRERONT "ÇA QUE T'ME DIS[SAKETMEDI] ; "NOUS REVENIONS" PEUT SE DIRE "J'REV'NIONS" [JREVKD] OU "JE R'VENIONS" [JERVEKD] ! D'AUTRES VOYELLES PEUVENT SUBIR LE MÊME SORT : AINSI "RACCOMMODER" DEVIENT "RAC'MODER" [RAKMCDE]. QUELQUES MOTS ONT PERDU LEUR VOYELLE INITIALE ; "ÉMINCER" EST DEVENU "MINCER", "NE T'ÉTONNE PAS !" SE DIT "TONNE-TU PAS !" ET "AVANT-DERNIER" "VANT-DERNIER".

COMME EN D'AUTRES RÉGIONS, LA DIPHTONGUE "OI" DANS UNE SYLLABE ACCENTUÉE A LONGTEMPS CONSERVÉ SON ANCIENNE PRONONCIATION"OUÉ" [WE] QUE LE FRANÇAIS STANDARD A ABANDONNÉE POUR LE "OUA" [WA] : DANS LES ANNÉES 1940, DES PERSONNES NÉES PEU APRÈS LE MILIEU DU DIX-NEUVIÈME SIÈCLE DISAIENT ENCORE "MOUÉ" [MWE]POUR "MOI", "FOUÈRE[FWER] POUR "FOIRE", "BOUÊTE" [BWET] POUR "BOÎTE". IL FAUT TOUTEFOIS NOTER QUE CETTE HABITUDE AVAIT RÉGRESSÉ À LA GÉNÉRATION SUIVANTE, MÊME SI LES BREBIS ÉTAIENT RESTÉES DES "OUEILLES" [ZWEJ] ET NON DES OUAILLES [ZWAJ] ET SI L'ON CONTINUAIT À DISTINGUER LE "POUÊLE" [PWEL] (POÊLE) DU [PWAL] (POIL). CERTAINS LOCUTEURS PRÉFÈRENT CEPENDANT LE [E] AU [WE] : "C’EST À MÉ (MOI) QU’TE DIS ÇA ?""DRAIT" [DRE] POUR "DROIT", "J' CRAIS’’ [JKRE] POUR "JE CROIS’’. S'EST CONSERVÉ AU CONTRAIRE, DANS DES SYLLABES NON ACCENTUÉES ET DEVANT CERTAINES CONSONNES, L'AFFAIBLISSEMENT DU "OI" [WA] EN «O» OUVERT [C] COMME DANS LA "MOITIÉ", LA "POITRINE" OU LA "POIGNÉE" PRONONCÉES RESPECTIVEMENT "MOTIÉ" [MCTJE], "POTRINE" [PCTRIN] ET "POGNÉE" [PCKE]. UN GARS QU'EST "À POGNE" (ÉNERGIQUE) DIRA À UN IMPORTUN D' "EMPOGNER LA PORTE" (SORTIR PRÉCIPITAMMENT). DE MÊME DIT-ON "HUSSIER" [YSJE] POUR "HUISSIER". LA PRONONCIATION "OU" [U] DU "O" OUVERT ("NOUT" [NUT] POUR "NOTRE", "POUME" [PUM] POUR "POMME", "HOUMME" [UM]POUR "HOMME", A RÉGRESSÉ ; ON LA RENCONTRE ENCORE DANS QUELQUES MOTS COMME "BOUNHOUMME" QUI SIGNIFIE "PAYSAN", ET ELLE SUBSISTE POUR LE SON "ONNE" [ON] PRONONCÉ [UN] COMME "GUERLOUNER" [GERLUNE] POUR ‘’GRELONNER’’, "PIOUNER" [PJUNE] POUR "PIONNER", "VIOUNER" [VJUNE] POUR ‘’VIONNER’’... EN REVANCHE L'INTERCALATION D'UN [J] DEVANT LE [O] ACCENTUÉ EN POSITION FINALE, QUI FAISAIT DIRE, [VJO] POUR "VEAU", [MURSJO] POUR ‘’MORCEAU’’, [RYSJO] POUR "RUISSEAU’’, A BIEN RÉSISTÉ : AUJOURD’HUI, ON NE JOUE PLUS GUÈRE DU ‘’FLÛTEAU’’ [FLYTJO], ON NE MANGE PLUS UN "CHANTEAU"[IBTJO] DE PAIN ACCOTÉ AUX "BARTEAUX’’ [BARTJO] DU CHAR. MAIS ON PEUT ENCORE TIRER "UN SIAU D'EAU[SJODO]. ON PEUT NOTER QUELQUES CAS DE "IOTACISME" : "COGNIE" POUR "COGNÉE" ; "DEPUIS" DEVIENT "EN DEPIS" …

LA TENDANCE À SIMPLIFIER, COMMUNE À TOUTE LANGUE POPULAIRE, EST GÉNÉRALE EN BOURBONNAIS ET A POUR EFFET L'AFFAIBLISSEMENT OU LA DISPARITION PURE ET SIMPLE DE CONSONNES, NOTAMMENT [L] ET [R]. C'EST AINSI QUE "PLUS" SE PRONONCE "PU" [PY], "CELUI-LÀ" "ÇUILÀ"[SHLA], "QUELQUE" "QUIÉQUE" [KJEK], "PARCE QUE" "PASQUE" [PASK] ; IL EST PLUS FACILE AUSSI DE PRONONCER "SECTEMBE[SEKTBB] QUE "SEPTEMBRE" ; ON COUPE "UN PIED D'ÂBRE" [ABR] ET NON UN ARBRE, ON "SÂCLE" [SAKL]SES "QUAT" [KAT] TOPINES AU LIEU DE LES SARCLER ; LE MÉTAYER APPELAIT SON PROPRIÉTAIRE NOUT'MAÎT' [NUTMET](NOTRE MAÎTRE"), LES FEMMES PORTAIENT UN "TÂBIÉ" [TABJE], ON ATTACHE LES "IENS[JG] (LIENS) DE SES "SOUILLERS[SUJE(SOULIERS). LE [L] DISPARAÎT DANS LES MOTS SE TERMINANT PAR ‘’ABLE’’, ‘’IBLE’’ : "C'EST PAS [POSIB]D'ÊTRE SI PEU [SERVAB] !" IL EN EST DE MÊME DU [R]PRÉCÉDÉ D’UNE AUTRE CONSONNE ET SUIVI D’UN [E] MUET : "ÊTRE" SE DIT "ÉT" [ET] ; ON VA "METTE" [MET] UNE "LETTE"[LET] À LA POSTE ET "UN’AUT' COUVÉQUE" [YNOTKUVEK]"SUS" [SY] UNE CASSEROLE.

DEVANT UNE AUTRE CONSONNE, LE "X" [KS] S'AFFAIBLIT EN [S] : "J'Y A PAS FAIT [ESPRÉ]" ET LA CHUINTANTE SONORE [J]FAIT PLACE À LA SOURDE [I] : "J'PENSE" [JPBS] DEVIENT "CH'PENSE" [IPBS] ; ON NE PRONONCE PAS NON PLUS DEUX CHUINTANTES SUCCESSIVES : CHERCHER REDEVIENT "SARCHER" [SARIE] ET CHANGER "SANGER" [SBJE]. "VERS", QUI SIGNIFIE ÉGALEMENT "CHEZ", SE PRONONCE "VÉ" [VE]DEVANT UNE CONSONNE ("POURQUOI DONC QUE VOUS VENEZ JAMAIS [VE] NOUS?") ET "VÉZ" [VEZ] DEVANT UNE VOYELLE") : "J'VAS N'ALLER [VEZ] EUX". ON VERRA QUE LE PRONOM PERSONNEL "IL" ET SES AVATARS "AL" ET "OL" S'ÉLIDENT EN "I", "A", "O" DEVANT UNE CONSONNE. MÊME EN TÊTE DE PHRASE, "DONC" SE PRONONCE "DON" [DD]. LE "F" FINAL NE SE PRONONCE PAS APRÈS LE SON "EU" [O: ON DIT "NEU" [NO]POUR "NEUF", "UN BOEU" [NBO] POUR "UN BŒUF" ET "UN'OEU" [YNO] POUR "UN ŒUF" ; LE GRÉSIL SE DIT "GUEURZI" [GMRZI]OU [GJMRZI]. LE SOUCI DE FACILITER L’ÉNONCIATION – PLUTÔT SANS DOUTE QU’UNE PRÉOCCUPATION D'ORDRE EUPHONIQUE – N'EST PAS ÉTRANGER À L'USAGE DE BIAIS POUR ÉVITER CERTAINS HIATUS. POUR ÉVITER LE RAPPROCHEMENT DE DEUX VOYELLES, NOTAMMENT DEUX [A], ON A SOUVENT – MAIS PAS TOUJOURS – RECOURS À L'INTERCALATION D'UNE CONSONNE : "J'A ENCORE TROIS RAYONS DE PATATES À N'ARRACHER", AUTRES EXEMPLES : "LÀ V'OÙ QU'TE VAS ?" "DE LOIN Z'EN LOIN", ‘’TE VINS-T-I(L), OUI V’OU NON ?", "I(L)S ÉTAINT NEU V'OU DIX", "UN GARS COMME ÇA, FIE-TOI Z'Y PAS !" IL EST VRAI QUE LORSQUE L'OMNIPRÉSENT "Y" (VOIR LE PARAGRAPHE "GRAMMAIRE") SUIT UN IMPÉRATIF, UN [Z] EST SYSTÉMATIQUEMENT INTERCALÉ. "ÔTE-LE OU LAISSE-LE" DEVIENT "OTE-Z-Y OU LAISSE-Z-Y" [OTZI U LESZI]. ALORS QUE LE FRANÇAIS NE S'OFFUSQUE PAS DE LA RENCONTRE DU [A] ET DU [U] DANS "LÀ OÙ", LE BOURBONNAIS DIRA "LÀ V'OÙ". MAIS CURIEUSEMENT ON NE CRAINDRA PAS LA RENCONTRE DE DEUX [I] DANS UNE CONDITIONNELLE : "SI I(L) T'Y A DIT, C'EST QUE C'EST VRAI". EN REVANCHE LA DIÉRÈSE EST SYSTÉMATIQUEMENT ÉVITÉE : "PANIER" SE PRONONCE"PAGNER" [PAKE] COMME "SAIGNER", "SOULIER" [SUJE] COMME "SOUILLER" ET "SANGLIER" DEVIENT [SBJE] ; LE VERBE "MANIER" DONNE [MAKE] MÊME QUAND ON LE CONJUGUE : "ÇA ME MANIE" FAIT "ÇA M'MAGNE" [SAMMAK]. ET SYSTÉMATIQUEMENT LES MOTS EN ‘’NEAU’’ SE PRONONCENT "GNAU" [KO] (ET NON "NIAU" [NJO]) : "TRAÎGNEAU" [TREKO]POUR ‘’TRAÎNEAU’’, EMBEURGNEAU" [BBERKO] POUR ‘’EMBRENEAU’’, ET "MOUÉGNEAU" [MWEKO] OU "MOUGNEAU" [MUKO] POUR "MOINEAU’’. DANS LE MÊME ORDRE D'IDÉES,"NUAGE" SE PRONONCE [NHAJ] COMME "NUIT" [NHI]. "NE T'ÉTONNE PAS" DEVIENT "TONNE-TU PAS" ; COMBINÉE AVEC L'INTERVERSION DU [?] FAIBLE, ELLE DONNE "MÉQUERDI" [MEK?RDI] POUR "MERCREDI" ET MÊME UN "RLOGE" [RLOJ] POUR UNE "HORLOGE". MAIS CE SOUCI DE SIMPLIFICATON N'EST PAS SYSTÉMATIQUE ; SINON ON N'IRAIT PAS DÉCLARER UNE NAISSANCE À LA "MAIRERIE" ! DE MÊME LES RONCES SE COMPLIQUENT EN "ÉRONZES", LA CRÈCHE EN "ÉCRÈCHE", LES "CHARDONS" EN "ÉCHARDONS", LES COINS D'UNE PIÈCE DE TERRE EN "ÉCOINS" ET LA CONJONCTION "QUAND" SE PRONONCE "QUANTE" [KBT] Y COMPRIS DEVANT UNE CONSONNE : "QUAND TU IRAS" S'ENTEND [KBTTIRA] À MOINS QU’ON N’INTERCALE UN "QUE" PRONONCÉ [K] : "QUAND QU'T'IRAS" [KBKTIRA]. LE PHONÈME [L] EN POSITION MÉDIANE SE TRANSFORME FRÉQUEMMENT EN "Y" NOTÉ [J] : UNE ESTAFILADE CONSTITUE NON UNE BALAFRE MAIS UNE "BAILLAFE" [BAJAF].

UNE AUTRE CARACTÉRISTIQUE RÉSIDE DANS UNE INTERVERSION DE SONS : DANS LE CORPS D’UN MOT, LE [?]FAIBLE NORMALEMENT PRÉCÉDÉ DE DEUX CONSONNES DONT LA SECONDE EST UN [R] EST SYSTÉMATIQUEMENT INTERCALÉ DEVANT CELUI-CI ET, SELON L'ACCENTUATION ET L'USAGE, SE TRANSFORME OU NON EN UN [Œ]. "GRELOT" DEVIENT "GUIEURLOT" [GJ?RLO], BRETELLE "BEURTELLE" [B?RTEL] ; ON S'ASSIED OU PLUTÔT ON "SE SITE" "À COEURPETONS[AKMRPETD] ET NON "À CROUPETONS", ON COURT LA [P?RTBTEN] ET NON LA PRÉTENTAINE, LE FROID DONNE DES [K?RVA] PLUTÔT QUE DES CREVASSES AUX MAINS, ON EST "EMBEURNÉ" [BB?RNE] OU [BBŒRNE] AU LIEU D'ÊTRE "EMBRENÉ" ET ON "DERSE" [D?RS] LES RÉCALCITRANTS AU LIEU DE LES DRESSER ; ON NE DIRA PAS "UNE BREBIS EST CREVÉE", MAIS "UNE BEURBI EST COEURVÉE" [YNBNRBIEKNRVE]. ON POURRAIT MULTIPLIER LES EXEMPLES À L'INFINI. CE PHÉNOMÈNE PEUT TOUCHER D'AUTRES VOYELLES FAIBLES : "BROUETTE" SE DIT [B?RWET] OU [BŒRWET], "MAIGRIAUD" SE PRONONCE [MEG?RJO], "CROTTE" DEVIENT [KŒRT], CROUPION [KŒRPJD], FAUT-IL RANGER ICI UN FAIT LINGUISTIQUE RARE MAIS CURIEUX ? C'EST L’EXISTENCE DE MÉTATHÈSES INATTENDUES. LA VIPÈRE EST DEVENUE UN "VERPI", LE CIMETIÈRE UN ‘’SMITIÈRE’’ ; ON NE TASSE PAS LE BLÉ DANS UN SAC, ON LE "SATE" ; "TANT QU'À" LA LESSIVE ON LA FAIT "CHESSER[IESE] QUAND ELLE DEVRAIT SÉCHER. ET L’ON POURRAIT "CONTUINER" LONGTEMPS CETTE ÉNUMÉRATION. MAIS POURQUOI UNE "AUTO" EST-ELLE DEVENUE UNE "ÈTO" ?

ON USE VOLONTIERS DE LIAISONS PARTICULIÈRES. AINSI L'ARTICLE INDÉFINI "UN" SUIVI D'UN SON VOCALIQUE SE PRONONCE [YN], ET UN AUDITEUR PEU AVERTI PEUT SUPPOSER QUE SON INTERLOCUTEUR FÉMINISE "UNE OEU(F)", "UNE HOMME", "UNE HABIT", "UNE INDIVIDU", "UNE HANGAR" ; IL N'EN EST RIEN PUISQUE LE BOURBONNAIS DIRA "C'EST UN' HOMME QU'EST GENTIL" (ET NON "GENTITE"), "UN' HABIT DÉGOÛTANT" (ET NON "DÉGOÛTANTE"), "UN'ŒUF QU'EST CUIT" (ET NON "CUITE"). CEPENDANT, PAR CONTAMINATION, ON POURRA DIRE "UN(E) HANGAR QU'EST VIEUX" OU "QU'EST VIELLE" ET MÊME PRÉFÉRENTIELLEMENT "UNE VIELLE HANGAR". AU REBOURS ON PARLERA D' "UN ANDOUILLE" OU D' "UN ESPÈCE D'ANDOUILLE" ! LE MOT "HANGAR" PERMET UNE AUTRE REMARQUE : L'H EST TOUJOURS MUET ET L'ON ABRITE LES INSTRUMENTS ARATOIRES "SOUS L'HANGAR" OÙ L'ON RANGE AUSSI "L'HARNAIS", OU MIEUX "LES Z(H)ARNAIS", DE LA CHEVAUDE ; DE MÊME ON DIRA D'UN INDIVIDU SANS VERGOGNE QU'"IL A CHIÉ L'HONTE" ... L'H DISPARAÎT MÊME DANS LE CORPS D'UN MOT : "DEHORS" SE PRONONCE "DIÔR"[DJOR], D'OÙ DÉCOULE LE VERBE "DIÔRER" [DJORE] QUI SIGNIFIE "METTRE À LA PORTE". UN AUTRE AVATAR, RARISSIME IL EST VRAI, DE CETTE AMUÏSSEMENT SYSTÉMATIQUE ABOUTIT À LA CONCATÉNATION DE L’ARTICLE DÉFINI AVEC LE SUBSTANTIF, CE QUI NÉCESSITE LE REDOUBLEMENT DU DÉTERMINANT : ET DE CE FAIT CELUI QUI SOUFFRE D’UNE CONTRACTION SPASMODIQUE DU DIAPHRAGME N’A PAS ‘’LE HOQUET’’, MAIS LE ‘’LOQUET’’ ! UN AUTRE EXEMPLE D’AGGLUTINATION EST DONNÉ PAR LA TRANSFORMATION SURVENUE À ‘’OISEAU’’ : COMME ‘’DES OISEAUX’’ SE PRONONCE "DES OSIAUX[DEZOZJO] OU "DES OUSIAUX[DEZUZJO], UN OISEAU EST DEVENU UN "ZOSIAU" [ZOZJO] OU UN "ZOUSIAU" [ZUZJO]. ET SI ON VOUS PARLE DU "JOUR DE CENSION", C'EST QUE "L'ASCENSION" A ÉTÉ DÉCOUPÉE D'UNE FAÇON ORIGINALE …

A PROPOS DES PHONÈMES CONSONANTIQUES, LE BOURBONNAIS EN POSSÈDE DEUX, PROCHES L'UN DE L'AUTRE, QUE L'ALPHABET PHONÉTIQUE INTERNATIONAL, DANS SA VERSION COURANTE, EST IMPUISSANT À TRANSCRIRE. IL S'AGIT DE SONS, L'UN SOURD, L'AUTRE SONORE, INTERMÉDIAIRES ENTRE "DENTALES" ET "BILABIALES", ET TOUS DEUX "MOUILLÉS". L'UN SE SITUE ENTRE [TJ] ET [KJ], L'AUTRE ENTRE [DJ] ET [GJ]. ON LES RENCONTRE DANS LA PRONONCIATION DE MOTS COMPORTANT CES ALLIANCES DE SONS EN FRANÇAIS STANDARD TELS QUE, POUR LE PREMIER, "TIENS" ET "INQUIET", POUR LE SECOND "DIEU" ... OU "DIABLE". MAIS LE "YOD" S'INTRODUIT AUSSI LÀ OÙ IL N'A QUE FAIRE EN FRANÇAIS COMME DANS "TUER" QUI DONNE [TJYE],"QUITTE" [KJIT], "PAQUET" [PAKJE], "CURÉ" [KJYRE], "GUERRE" [GJER], "GUIDE" [GJID], "MUGUET" [MYGJE] OU "AUGUSTE" [CGJUS]. L’EMPLOI DE CES PHONÈMES ORIGINAUX TRAHIT À COUP L’ORIGINE DE VOTRE INTERLOCUTEUR.

             

ALPHABET PHONETIQUE INTERNATIONAL

 

Voyelles

 

[i]         vie, lyre

[e]        blé, jouer, lait, jouet, merci

[F]        chouette (rare)

[a]        patte, talon, dernier

[A]          là, pâte, tard

[o]        eau, mot, gauche, tôle

[C]        comme, mort

[u]        genou, roue, vous, goût, toux

[y]        rue, vêtu, bûche

[E]        le, premier, ceci

[O]       feu, deux

[M]       peur, meuble

[G?]? *  brin, main, plein, chien

[N] *     brun

[B]        sans, vent

[D]        bonombre

Semi-consonnes

 [j]      yeux, paille, pied

 [H]    huile, nuit, muet

 [w]   foire, nouer

Consonnes

[b]        bon, robe, abbé, diable

[p]        père, soupe, nappe

[d]        dans, aide, attendre

[t]        terre, vite, attendre

[g]        gare, bague, agglo, claude

[k]        cou, coqcloque, sac

[dj] [gj]    diable, dehors, guerre, guide

[tj] [kj]      tiens, inquiet, tuer, queue, képi

[f]        fou, veufphoto, effort

[v]        vous, rêve

[s]        sale, ci, ça, tasse, pouce, addition

[z]        zéro, maison, rose

[I]         chat, ruche

[J]        je, jugegilet

[l]        laine, habile, allumer

[r]        route, venir, arriver, poire

[m]       main, môme, comme

[n]        nous, peine, benne

[K]        grogner, vigne, dernie

Ne pas oublier la règle d'inversion des phonèmes doubles [brE], [krE], [frE], [grE], … en [bEr], [kEr], [fEr], [gEr], …

 

GROUPE NOMINAL, ADVERBES, PREPOSITIONS.

Comme le français standard, le ‘’diouxois’’ connaît deux genres et deux nombres, et les déterminants, les qualifiants s'accordent avec les substantifs, les verbes avec les sujets. Toutefois on vient de voir que l'article indéfini [yn] pouvait exceptionnellement entraîner des changements de genre (une hangar) ; il en est quelques autres ; ainsi le mot "espèce" est couramment masculinisé alors que, au cours d'un hiver rigoureux, on affirmera qu'il fait "une froid de chien". On dira aussi que "l'air est froide" et, par un accord de proximité, que "le fond de l'air est fraîche". Et il faut savoir qu’'"une serpent" n'est pas forcément "un vipère". Certains glissements phonologiques amènent aussi des modifications : "l'horloge", on l'a vu, est devenu "le rloge". Un certain nombre de noms en [o] terminés par al en français ont en "diouxois" la même forme que leurs pluriels : "un chevau", "un bocau", "l'hopitau". Le souci de marquer le féminin de noms ou d'adjectifs se terminant par un son vocalique génère quelques singularités : la femelle du "chevau" est la "chevaude", la femme du "maréchau" la "maréchaude" et l'épouse de "Mignot" "la Mignaude" ; "joli" se féminise en "jolite", "gai" en "gaite", "gentil" en "gentite", "poilu" fait "poiluse" et "pointu" "pointuse", etc., alors que, au contraire, ‘’la Loire est traître’’. ‘’Nain’’ donne ‘’nine’’, et "poulain" "pouline". Quelques adjectufs en [y] font leur féminin en [yz](pointu - pointuse, poilu - poiluse) mais ce n'est pas le cas de la majorité (bouillue, foutue).

La dérivation en "erie" à partir d'un adjectif, indiquant qualité (ou défaut), existante en français (pingrerie, ladrerie) est usitée dans le parler local ("bredinerie", "tortinerie") mais est plus fréquente à partir de verbes ("pouffinerie", "piounerie", "traînerie") et se rencontre au moins une fois à partir d'un nom ("curasserie") 

Pour former les adjectifs qualificatifs, fréquemment substantivés, le langage local pratique les modes usuels de dérivation. Mais certains sont privilégiés. Le suffixe dépréciatif, sinon toujours péjoratif, "aud" est de ceux-là. On peut être, comme ailleurs, rougeaud, soûlaud ou courtaud ; naïf, on est "brelaud" ou "breluraud", simple d'esprit "bredignaud" ; on se méfie des "mendigauds" et des "saccarauds". La désinence "ard" indique l'habitude et le goût : un "fêtard" est aussi un "amusard" ; un bagarreur est "battiard" et un séducteur impénitent est réputé ‘’queutard’’. Les suffixes "eux" et "eur", lorsqu'ils sont péjoratifs, deviennent "oux". Un enfant pleurnichard est décrété "couinoux" ou "chiounoux", un homme bedonnant est "beuillassoux" ; si on est "cretoux", "ciroux", "reutoux" (ou "reuilloux") on serait bien inspiré de se décrasser, mais un "crassoux" n'est pas forcément sale : ce peut être aussi un individu malhonnête et peu recommandable. En revanche, qu'il soit heureux ou malheureux, un enfant qui manifeste fréquemment son affection est "amitieux" et non "amitioux", mais traduire ses sentiments par un excès de baisers fait de lui un "bichoux", voire "un "bichouilloux" ou un "lechoux" !  Des substantifs peuvent être employés comme adjectifs : d'un fruit vénéneux on dit qu' "il est poison".

Les articles n'appellent pas de remarques lorsqu'ils déterminent des noms communs. A ceci près que, dans certaines expressions, l'un peut remplacer l'autre : on dira d'une cane qu'elle "tend du cou" pour attraper de la salade. Mais, comme dans tout le centre de la France, l'article défini s'emploie systématiquement devant les noms propres de personnes. "Dans mon jeune temps" je n’ai jamais entendu évoquer un autre enfant ou un adulte sans que son prénom - ‘’son petit nom’’ -, suivi ou non de son patronyme, soit précédé de "le" ou "la". "Le Roger Moulois" et "le Loulou Gaume" étaient moins diables que "le Guy Raymond". "L’Alain" et "le Lili" étaient du même âge ... Et "le René" n'avait pas quinze ans qu'il fréquentait déjà "la Paulette".

Mais si l'article ainsi placé devant le prénom n'a pas de valeur sémantique particulière, il n'en est pas de même lorsqu'il précède immédiatement le nom de famille. Du moins au singulier, car on dira volontiers que "les Granger" sont du bon monde. En revanche appeler quelqu'un "le Binon" ou "la Faluchet" est dépréciatif ; paradoxalement, si l'on précise : "le vieux Binon" ou "la vieille Faluchet", quel que soit d'ailleurs l'âge de l'intéressé(e), la formule sera, selon le contexte, méprisante … ou affectueuse. Les sobriquets - on ne dit pas les surnoms -, quand ils ne comportent pas d'article dans leur libellé, peuvent ou non être précédés de "le" ou "la", au gré du locuteur. L'aîné de la famille Denizon, pendant plusieurs générations, a été surnommé "Fayette" ; mais parler de lui en disant "le Fayette" n''avait pas de connotation spéciale.

Il arrive que, pour désigner les habitants d'un village, on utilise le nom de celui-ci précédé de l'article "les" : ainsi dira-t-on que "Les Beaulon, faut s'en méfier : y'en a mais que d'un que s'y entend en sorcelage". Peut-être est-ce un raccourci de "les gens de Beaulon", mais plutôt sans doute de ‘’les de Beaulon’’, forme équivalente à "ceux de Beaulon" que nous verrons plus loin ; toujours est-il que cette tournure peut fournir un éclairage, original pour notre région, sur le processus général qui aboutit à transformer un toponyme en patronyme. Enfin la forme contractée ancienne "ès" (dans les) qui a subsisté dans quelques noms de localités (Riom-ès-Montagnes dans le Cantal, Méry-ès-Bois dans le Cher) s'emploie à la place de "aux", non seulement devant des noms pluriels de lieux-dits : "Les Bouiller demeurent ès Rodillons", "Les Minard ont été longtemps ès Prats", mais aussi plus généralement ("C't'après-midi faut que j'aille ès patates" – "C'est pas croyable c'que j'a mal ès reins" – "J'a seulement pus ren à me mettre ès pieds").

Le seul adjectif possessif à présenter une particularité notable est celui de la troisième personne du pluriel ; "leur(s)" devient, comme le pronom personnel identique, "ieu(x)" ou ‘’leu(x)’’: "Les Mâchuret m'ont dit qu'ils sont brouillés avec ieu gars, mais moi je veux pas me mêler de leux affaires." Les autres ne présentent que des particularités de prononciation : "nout" [nut], "vout" [vut] pour "notre" et "votre". (Les pronoms correspondants adoptent les mêmes formes).

L'adjectif (et pronom) indéfini "quelque" se prononce "quiéque" [kjek] ; "aucun" est inusité : on dit "pas un" 

Les adjectifs démonstratifs se singularisent davantage. "Ce", élidé en "c'" s'emploie aussi bien devant un nom féminin que masculin pourvu qu'il commence par une consonne ; mais il devient très souvent [st?] ; on dira indifféremment "ce gars""ce gatte""c'gars""c'gatte", ou "[c't?] gars""[c't?] gatte". Mais la forme élidée [st], qui se substitue à "cet" et "cette", est seule admise devant une voyelle ou un h (toujours muet) : "c't' affaire""c't' homme". "Ceux" est la forme plurielle commune aux deux genres : "ceux gars""ceux gattes""ceux hommes", "ceux affaires". Le parler local utilise volontiers la forme emphatique "ce ... - là" : "C'te gars-là est pas feignant". En revanche "ce ... - ci" est ignoré, suivant en cela le sort de "ceci" et "cela" toujours remplacés par "ci" et "ça" et de l'adverbe "ici" généralement supplanté par "là".

Les adverbes en effet présentent quelques particularités. Comme dans tout langage populaire, "ne … pas" est simplifié en "pas", qui suffit à marquer la forme négative d'un verbe : "Mange pas tant de pain !". ‘’Donc’’, quoique répertorié parmi les conjonctions, mérite de figurer dans cette rubrique, tant il est fréquemment employé après un verbe soit comme renforçatif : ‘’Dis me donc c’que t'boules, ça t' soulagera’’, soit comme simple explétif : ‘’Va donc là v’où qu’ te veux !’’. On use aussi très souvent de ‘’voire’’, avec une valeur d’insistance, après un impératif : ‘’Ecoute voire (ou viens voire), gars, que j’te dise quelque chose’’. On ne craint pas même de combiner les deux : ‘’Approche donc voire si t’es pas feignant !’’. Le diouxois a conservé, avec tantôt le sens de ‘’assez’’, tantôt celui de "beaucoup", l'ancien terme "prou" que le français n'utilise plus que dans l'expression "peu ou prou" : "J'a prou soif" – "Des topines, c't' année, j'en a prou". Dans cette famille de mots comme dans les autres, certains termes sont inusités, d'autres sont employés dans un sens qui n'est pas, ou n'est plus, le leur en français. Ainsi on utilise la locution "là et là" pour signifier la fréquence d'un fait dans le temps ou dans l'espace : "Le chetit commence à peine à marcher, i tombe encore là et là.". "Mêmement" a le sens de "vraiment", "réellement" : ‘’On dirait mêmement qu'il cherche à prendre un mauvais coup’’ et celui de "précisément", "exactement" : ‘’Le feu a pris mêmement comme j'arrivais" ; on trouvera quelques autres exemples de ces singularités dans la rubrique "expressions préférentielles". A signaler l'emploi antonymique de "beaucoup", dans l'expression "savoir beaucoup", qui a le sens de "n’être absolument pas certain" : "Ils disont au poste que les Boches avont pris Moscou, mais on sait beaucoup si c'est vrai ...’’

Les prépositions ne sont pas originales ; tout au plus substitue-t-on aisément "dedans" à "dans" : "Mets-me donc ceux pierres dedans c’te trou" ; "du" remplace "dès le" :"La pleue s'est enrayée du matin.". Comme l'adverbe "puis" se dit "pis" et de préférence "et pis", la préposition "depuis" devient "depis" et plus souvent "en depis". Notons que "de" a le sens de "par" dans l’expression "s’y prendre de ruse"  ou bien "être mangé des côs", "piqué des vers" et de "pour" dans la formule  "pas être en retard de …" "J'sus pas en retard de manger des radis : j'a pas attendu le mois d'avril pour en ramasser" "à"remplace systématiquement "de" pour indiquer l'appartenance ("le gars au René", "le bateau à Ducluzeau") et peut dans quelques cas se substituer à "pour" : "Le Pierre était pas chez soi, ça fait que j'a fait mon chemin à rien". "Sus", forme locale de "sur", peut avoir le sens de "sur le domaine de" et celui de "en direction de"; ainsi dira-t-on qu'on est passé "sus Goulinet" (un exploitant agricole) pour aller "sus Putay" (un hameau). On pourrait encore prétendre que "au" a la valeur de "chez le (ou la)" puisque l'on va "au coiffeur", "au dentiste", "au boucher" ; il s'agit plutôt d'un phénomène de métonymie, courant dans tout langage populaire : le métier désigne le lieu où on l'exerce ...bien qu’on n’aille pas  « à l’épicier » ou « au maréchau ».

LES FORMES PRONOMINALES.

La liste des pronoms personnels peut surprendre le lecteur étranger au Bourbonnais :

Personne

Sujet

Objet direct

Objet indirect Attribution

Apposition

 

Singulier

Pluriel

Singulier

Pluriel

Singulier

Pluriel

Singulier

Pluriel

 

Première

je (j')

je (j')

nous (n')

me (m')

nous

me (m')

moi - à moi        [mwe]

nous

moi

[mwe]

nous

nous aut's

 

Seconde

te (t')

vous

te (t') outu

vous

te - (t') - toi à toi twe]

vous

toi

[twe]

vous

vous aut's

Troisième

masculin

il (i)-al (a)

ol (o)

is(i) - as(a) - os(o)

le ou lu

les

li ou lu

à soi [swe]

leux ou ieux

soi

[swe]

eussesou ieux autres

Troisième féminin

al (a)

 

as (a)

la

les

li ou lu

leux ou ieux

à eusses

soi

[swe]

eussesou ieux autres

Troisième neutre

ça

 

y

 

y

 

ça

 

 

 

Ainsi dira-t-on, par exemple : "j' nous sons ben amusés (avernés, promenés, ...)" ou bien : "Amuse-tu pas avec ça, donne me-z-y", "apaise-tu !" (tais-toi). Passons sur la substitution, usuelle en langage populaire, de "ça" à "il" neutre : "Ca va pleuvoir. – Ma foi non, ça va pas pleuvoir, ça pleut déjà !" Systématique devant les verbes évoquant les phénomènes météorologiques, elle se pratique aussi avec "devoir", "pouvoir", mais non avec "falloir". "Ce", quand il ne s'élide pas, fait place à "ça", aussi bien comme sujet ("Si te tombes malade, ça sera pas volé, à sortir dans le froid sans rien") que comme complément : "Faut pas croire tout ça qu'on te dit". Cette formule prouve aussi qu'on fait systématiquement l'économie de "il" neutre : "Va pas falloir traîner, pourrait ben pleuvoir !"

On constate la coexistence de deux formes à la première personne du pluriel sujet :"J'ons (ou nous ons) guère de sous" dira un paysan appartenant à une famille peu argentée. Mais s'il emploie la forme verbale "avons" il n'aura pas le choix et ne pourra dire que "j'avons". La troisième personne est riche en possibilités : il, al, ol; toutefois la forme "ol" est moins usitée que les deux autres et trahit une origine bourguignonne ou morvandelle, ou une contamination de même provenance. La seconde personne a la même forme "te" pour sujet et complément, sauf dans le cas d'un verbe pronominal à l'impératif où c'est "tu" qu'on emploie comme complément : "tais-toi !" se traduit par "taise-tu !" ou "apaise-tu !" [apesty]. Le complément indirect à la troisième personne présente des formes originales ; le choix entre "li" et "lu", substituts de "lui", est possible dans certaines occurrences : J'va li (ou lu) foutre ma main sus la gueule", mais n'est pas toujours possible : "Va li dire (et non pas lu dire) de venir me voir". A l'inverse les deux formes plurielles "leux" ou "ieux" seraient admises dans les mêmes formules, avec toutefois une préférence pour la seconde : "Va ieux y dire que j'vas ieux y foutre ma main sus leux gueules". Les élisions qui affectent les pronoms personnels ont été évoquées plus haut.

C'est ici le moment de signaler la polysémie du pronom "y". Outre son usage, comme en français standard, pour évoquer un lieu ("La foire à Dompierre, j'y va tous les mois"), c'est un pronom complément passe-partout qui peut aussi bien remplacer, lorsqu'il évoque un nom commun, "le" que "la" ou "les" : d'un panier, d'une lessiveuse ou de "tavelles" de bois, on dira "C'est pas ben lourd, j'vas ben y porter jusqu'à la maison". "Y" prend aussi systématiquement la valeur du "le" neutre : "Vins donc m'y dire là si t'es pas feignant". On a notamment recours à lui dans le cas d'un double complément pronominal direct et indirect : "Va le lui dire" se décline "Va l'y dire". On pourrait supposer ici que ce [li]n'est que la forme locale "li" de "lui", la langue orale courante faisant volontiers l'économie du complément direct "le" ("Va donc li dire que j'sus là"). Mais le passage au pluriel ou à une autre personne, qu'on vient de voir, nous détrompe : "Viens m'y dire""Va ieux y dire".

Enfin on relève que, en situation d'apposition ou d'attribution, la forme ancienne "soi" [swa] [swe] subsiste là ou le français emploie "lui" ou "elle" : "Soi, c'est pas un feignant (une feignante) !" – Moi, j'a pas besoin de tomates, t'as qu'à les donner à soi qu'en a guère". La même forme se retrouve au présentatif : "C'est pas moi, c'est soi qu'est malade". Ma grand'mère, dans son jeune temps, s'était rendue chez le sabotier du village ; l'épouse de l'artisan appela son mari : "Vincent, viens voire ! c'est la Jeanne, c'est soi qu'a le pied gros" Quant aux pronoms pluriels compléments ou apposés, il sont généralement renforcés par l'adjonction de l'indéfini "autres", prononcé [ot]: "Nous autres, on a pas les moyens comme vous autres" – "Eux autres (ou ieux autres), c'est du monde qu'est pas de bruit."

 

Les pronoms relatifs se signalent par la polysémie étendue de la forme "que", fréquemment élidée en "qu'" même devant une consonne. On ne l'utilise pas seulement comme objet : "le panier qu'te portes est ben trop lourd pour une chetite gatte comme toi !"Mais il remplace systématiquement «qui» comme relatif sujet: "Le Marcel, c'est pas un gars qu’s'occupe des autres". Il remplace également les pronoms compléments de nom "dont" et "de qui" : "l'affaire (ou l'homme) que je te cause" et, aux deux genres comme aux deux nombres, les pronoms relatifs composés "à qui", "de quoi", "auquel", "desquelles", "par lequel", etc. : "J'connais seulement pas l'homme que j'ai demandé mon chemin" – "J'sais pas la raison que la dispute s'est emmanchée". Un "que" explétif renforce très souvent les autres pronoms : "Quand qu'te vindras, si qu't'en as envie, on ira à la pêche là v'où qu'on y a déjà été."

Les pronoms démonstratifs constituent une famille particulièrement intéressante.

Le pronom "ce" utilisé comme antécédent d'une relative devient systématiquement "ça " : "Ca que te me dis, j'y crois pas !". "Ceci" est inusité, remplacé par « ci » dans quelques occurrences, et "ça" remplace systématiquement "cela" : "On raconte ci et ça ; les uns disent d'une façon, les autres d'une autre.". "Ca" se rencontre aussi – et cet emploi me paraît original – antéposé à quelques rares adjectifs qualificatifs, dans ce cas invariables, évoquant des personnes avec des connotations affectives variées : "ça vieux", sauf dans une occurrence humoristique, est nettement péjoratif. "Ca pour vieux" et "ça pour chetit" impliquent au contraire une nuance de commisération, "ça chetit" de tendresse amusée. "Ca chetit, regardez-moi si c'est gentil !" – "Ca vieux, ça vaut pas cher ..." – "Ca pour vieux, ça serait mieux en terre qu'en pré" (entendez "mort que vivant")L'invariabilité du qualifiant permet de supposer que ces formes apposées emphatiques sont des raccourcis de "ça qu'est vieux (chetit, pour vieux, pour chetit)". "Celui" se simplifie en "çui" (plus fréquemment "çui-là" - et jamais "çui-ci") ; "ceux" (fréquemment "ceux-là") prend aussi la forme "ceusses", ou "les ceusses" ; on raconte que les jeunes de Saligny, fiers de quitter leurs sabots les jours de fêtes, chantaient jadis :

"Les ceusses qu'avaint des bottes, i(l)s savaint s'amuser ;

Les ceusses qu'avaint point d'bottes, i(l)s s'amusaint pas si ben tant seulement !"

Typique de notre région est l'emploi comme pronoms démonstratifs des pronoms personnels "le", "la", "les" aux lieu et place de "celui", "celle", "ceux". Occupé à fendre du bois avec l'aide d'un voisin, on lui dira : "M'faudrait une grosse cognie, donne-me donc la qu'est sus le plot." Voici un jardinier embarrassé : "J' sèmerains ben de la salade, mais il me reste pus de graine ; te peux pas me donner de la qu't'as fait l'année dernière ? Si le bruit court que les métayers d'un domaine vont déménager, on rapportera : "I(l) paraît que les des Davaux vont faire la Saint-Martin." Ou bien, évoquant la fameuse épidémie de "grippe espagnole" de 1917, un ancien rapportait : "Y'en a gros qu'y sont restés ; et les qu'en ont réchappé, ils ont mis du temps à se repaumer." Parallèlement, "des" prend fréquemment, en évoquant des personnes, la valeur du pronom indéfini "certains" : "Y en a des que sont tout le temps à se plaindre." Notons aussi, la redondance ?tout chacun?pour ?chacun? : "Tout chacun dit la sienne".

Les pronoms possessifs masculins singuliers sont analogues aux féminins : "le mienne", "le tienne", "le sienne" : "Donne-me donc un' aut(r)e bigot que le manche du mienne est cassé."

LES TOURNURES INTERROGATIVES.

 

L'inversion simple du sujet "Vas-tu à la foire ?" est inusitée. La forme la plus commune est purement intonative : "Te vas à la foire ?". Renforcée par l'explétif "t-il" prononcé [ti] : "Te vas-t-i(l) à la foire ?", elle prend une valeur d'insistance, d'impatience et presque de menace, surtout si elle s'accompagne de l'adverbe "bien" ([Bg]) : "Te vas-t-i(l) ben m'écouter une bonne fois ?".  De même que "est-ce ... ?" devient "c'est-i(l) ...?" "C'est-i(l) mon Dieu possible ?", la tournure "est-ce que .. ?" prend chez nous la forme "c'est-i(l) que ..?" : "C'est-i(l) que te vas à la foire ?" C'est même la seule admise si le sujet n'est pas un pronom : "C'est-i(l) que le Glaude et la Marie vont à la foire ?". Elle marque fréquemment une nuance d'étonnement, en particulier si le verbe est au conditionnel : "Ca serait-i(l) que te vas à la foire ?" ou si cette interrogation est légitimée par une subordonnée consécutive :"C'est-i(l) que te vas à la foire que t'es habillé beau ?" La forme interro-négative connaît les mêmes avatars :"Te vas-t-i(l) pas me fout' la paix ?" "N'est-ce pas ... ?" devient "C'est-i(l) pas ... ?" : "C'est-i(l) pas malheureux de voir des horreurs pareilles ?", formule dans laquelle la valeur exclamative prend le pas sur l'interrogation pure et simple.

Comme les conjonctions de subordination, pronoms et adverbes interrogatifs sont systématiquement enrichis d’un ‘’que" suivi de la forme affirmative : "Qui qu'est là ?"[kjikjelA], "Là (v)où que te vas ?""Quand que te vas revenir ?""Comment qu'ol a fait son compte ?""Pourquoi donc que te me causes pus ?", ou même d'un "que c'est-i(l)?" : "Quand que c'est-i(l) que vous revenez ?"  "Comment (que c'est-il) qu'ils ont fait ieu compte ?" – "Là-v-où donc (que c'est-il) que t'as trouvé ton plant de patates ?". Pour sa part, le "qui ?" du français standard est souvent renforcé du présentatif : "C'est qui qu'est là ?". "Qui est-ce qui ... ?" devient "qui que c'est que ... ?" (Qui que c'est que vint ? [kjikjsekvG]) ou "c'est qui que ... ?" ("C'est qui qu' vint ?"). "Qui ?" peut aussi se substituer à "que ?" ou "qu'est-ce que ?" ("Qui que te dis ?" [kjikjtEdi] ou [kjikjEtdi], "Qui que te veux ?"); l'usage du présentatif donne alors "Qui qu' c'est qu' te dis ?" [kjiksékEtdi]. "Que ?" est plus rarement remplacé par "quoi ?" ("Quoi qu'te dis ?", "Quoi qu'o(l) fait qu'o(l) vint pas ?) mais on préférera ‘’Qui que c’est qu’o(l) fait qu’o(l) vint pas ?’’

"Pourquoi" s'accommode moins bien du "que c'est-il" ; on peut certes dire ‘’Pourquoi que c’est-il que le Toine te cause pus ?’’ mais on se bornera aisément à "Pourquoi donc que le Toine te cause pus ?". à moins que l'on n'emploie la formule "à cause que ?" : "A cause que te veux pas venir au bourg avec moi ?" ou, ce qui implique aussi soupçon et reproche, "par quelle (donc) raison" : "Par quelle donc raison que te me fais la gueule ?". C'est que ’pourquoi’ ?’ a, aussi bien au style direct qu’au style indirect, de nombreux substituts comme ‘’qui faire ?‘’ : ‘’Qui faire que te t’es levé si bonne heure ?’’ ou ‘’comment que ça se fait ?’’ : ’’Comment que ça se fait que t'as pas encore semé ton orge ?’’ Les mêmes locutions sont employées dans le discours interrogatif indirect : "Je sais pas comment que ça se fait que je sus pas tombé !", "Mon père m'a demandé quand que c'est que vous allez revenir" – "Faudra me faire voir comment que te fais pour affûter une scie". Dans ce mode de construction, "qui" peut se substituer à "que" ou "quoi" : "La Berthe, elle sait pas qui faire pour rendre service à sa bru". ‘’Qui’’ se substitue également, au style interrogatif indirect, à "ce" antécédent : "Dis-me voire qui que te veux, à la fin !" On peut retrouver alors ‘’qui faire que ?’’ ("J'sais pas qui faire que t'as été t'enverrer dans ce chemin qu'est pas passable’’). En revanche l'interrogation indirecte ne présente pas de forme particulière : ‘’Faudra me dire si te veux de la graine de raves" si ce n'est l'intercalation d'un "que" après la conjonction du français standard : "Quand qu' te vindras, si qu' te vins, te me diras pourquoi qu' t'as pas pris tes graines au syndicat, là v'où qu'te les as achet's et comben donc que t' les as payées."     

 


LES SUBORDONNEES CONJONCTIVES

 

Cette adjonction explétive d’un ‘’que’’ à la conjonction de subordinationse retrouve dans un bon nombre de subordonnées circonstancielles. Pour les temporelles, ‘’quand que’’, bâti sur le même schéma que l’inusité ‘’lorsque’’, est l’introducteur le plus fréquent : ‘’Quand que t’airas fini, te m’y diras’’. Comme en français standard, ‘’après que’’ commande l’indicatif (passé composé ou futur), et ‘’avant que’’ le subjonctif : ‘’Te revindras ben me voir avant que te t’en alles ?’’; mais on préférera ‘’avant de t’en aller’’ ; on dit ‘’sitôt que’’et non ‘’dès que’’. Les complétives de lieu commencent non par ‘’où’’ mais par "là qu' " : "T'as point de soin ; te laisses tes outils là que la main t'ouvre" ou ‘’là v’où qu’ ‘’ : ‘’Quand que te partiras à l’armée, faudra ben que t’alles là v’où qu’i(l)s t’enverront". ‘’Tant que’’ peut avoir valeur temporelle, préféré à ‘’pendant que’’ (‘’Tant qu’i' cause, i' travaille toujours pas") ou comparative, préféré à ‘’autant que’’ : ‘’Il en fait pas tant qu’il en dit.’’ Même la conjonction de condition "si" est complétée par "que" : "Si que te voudrais, on pourrait aller se promener." A noter que les conjonctions ‘’or’’ et ‘’car’’, curieusement dites de coordination alors qu’elles introduisent une notion de dépendance entre les énoncés qu’elles unissent, sont ignorées des Diouxois. La cause s’indique par ‘’parce que’’ [pask] mais aussi par ‘’à cause que’’ ou ‘’cause que’’ : ‘’J’sus en colère à cause que le Jacques est pas veni me voir’’ ; à ‘’puisque’’ [pisk] on préfère souvent ‘’du moment que’’ : "Du moment qu’ t’y dis, j’te crois’’. La conséquence se marque par "Ca fait que" : "Ca a pas décessé de pleuvoir, ça fait que j'a ren pu faire." Autre forme : ‘’si tellement ... que’’ : ‘’La Berthe s’est si tellement goinfrée que ça li a porté au coeur’’ ; de même "au cas où" est remplacé par "en cas que" : "En cas qu'on t'y demande, te diras que t'y sais pas". ‘’Quoique’’ et ‘’bien que’’ n’ont pas droit de cité dans notre langue, qui a conservé l’ancien ‘’malgré que’’ condamné par les puristes : ‘’Malgré qu’il a pas tombé de pleue depis quasiment un mois, c’est pas encore la grosse chesseresse. Enfin "que" suffit à indiquer aussi bien la cause ("Faut qu'je resème des carottes que les premières sont pas nées") que la conséquence ("I' fait froid qu'la goutte me gèle au nez").

Les temps les plus couramment employés sont le présent, l'imparfait, le passé composé et le futur 2 (composé avec l'auxiliaire "aller") de l'indicatif, le présent du conditionnel, du subjonctif et de l'impératif. Le passé simple est inusité, comme le passé antérieur auquel on subsitue le passé surcomposé ("quand que j'a eu fini …) également utilisé pour évoquer une action définitivement achevée mais qui a duré dans le passé ("Dans ton jeune temps, t'as ben eu travaillé ès carrières ?") Le futur simple, le futur antérieur, et les temps passés du subjonctif ne s'emploient pratiquement jamais. Dans le langage oral les verbes les plus fréquents sont les auxiliaires être et avoir et de nombreux verbes du troisième groupe comme dire, faire, voir, aller, venir, pouvoir, vouloir, savoir, etc. et bien sûr de nombreux verbes du premier groupe évoquant les activités de la vie courante. On trouvera en annexe un tableau présentant la conjugaison de quelques verbes parmi les plus usités ; mais, pour ne pas donner à cette partie de notre recueil un volume démesuré, on s'est borné à y faire figurer les formes verbales qui diffèrent sensiblement de celles du français standard.

Au lieu d'admettre la forme passive, quelques verbes s'emploient pronominalement avec un sens qui peut prêter à sourire : passe encore que "le chetit du René s'élève chez ses grands-pères", on peut admettre qu'il est en partie l'auteur de sa propre éducation ; mais que "le père Brébiant s'enterre vendredi"constituerait, en français courant, un incontestable miracle.

Le souci de simplification se retrouve : à l’indicatif présent, les trois personnes du singulier d'avoir et aller ont les mêmes formes, respectivement [A] et [va]. Une autre de ses manifestations concerne la conjugaison de certains verbes du troisième groupe au subjonctif présent : les personnes du singulier sont fréquemment formées sur le radical sans lui faire subir de changement : "avoir" peut donner "que j'aye" prononcé "èye" [ej] comme "que j'ave"; mais aller ne connaît que la forme "que j'alle", vouloir "qu' je voule" (ou "qu' je veule"), pouvoir "qu' je pouve" (ou "qu' je peuve"), faire "qu'i faise", prononcé [f?z] et non [fez], etc. Mais parfois c'est la forme du subjonctif qui est utilisée à l'indicatif : "Qui donc qu'te boives ?" ou, plus souvent, "Qui donc qu'te buves ?"

 Il en va fréquemment de même du participe passé ; du moins les formes du français standard ont-elles des doublets ; "pouvu" de pouvoir, "mettu" de mettre, "vivu" de vivre, "peindu" de "peindre’’, "vindu" de vindre (venir)etc. On notera d'ailleurs que les verbes du troisième groupe terminés en "re" ont leur participe passé en "u", même quand ce n'est pas le cas en français : "disu", "faisu", "mettu", "naissu", "craignu", "plaignu", "plaisu", "pleuvu", ... et même "lisu" à la curieuse exception d’ ‘’entendre’’ et ‘’répondre’’ : ‘’C’est p'têt que t'm’as pas entend que t'm’as pas répond ?’’ Les verbes du même groupe terminés en "ir" se partagent : on dit "sentu", "mouru", "bouillu" ("café bouillu, café foutu"), "sortu" mais "veni", "ouvrit" et "offrit" ("ouvrite" et "offrite" au féminin … qui ne se marque pas toujours : "Ma grosse poule, le renard m'l'a pris). La même préoccupation a sans doute guidé le passage de certains verbes du troisième au premier groupe. C’est le cas de verbes anciens tels "se mouvoir’’ devenu "se mouver", "se douloir" devenu ‘’se douler" (se plaindre), et de quelques-uns encore fréquemment usités comme "pleuvoir" quelquefois changé en "pleuver" : "A présent que le foin est renserré, ça peut ben pleuver si ça veut", ou "servir": ‘’Quand qu'on est vieux, on serve pus à rien." On peut aussi rencontrer ‘’sentre’’ au lieu de ‘’sentir’’.

Si on utilise le participe passé "ordinaire", il reste invariable : "Méfie-tu de pas toucher la barrière que j'a peint ce matin." Le participe passé de quelques verbes du premier groupe se termine par un [E] muet : "Ma chemise du dimanche m'est seulement pus grande ; c'est qu'y a beau temps que j'l'a ach't'."  .

Aux personnes du singulier de l'indicatif présent, on conserve le son [j] des verbes en "ayer", "oyer", "uyer" : j'essaye est prononcé [Jesej], t'envoyes [tBwej], i(l) s'ennuye [isBnHj]. On notera encore la double désinence "ais" [e] et ‘’ains" [G] de l’indicatif imparfait et du conditionnel présent aux personnes du singulier.

A la différence de la règle du "bon français" mais conformément à l'usage du latin et au bon sens, le verbe d'une proposition subordonnée complément de condition se met au conditionnel comme celui de la proposition principale : "Si t'y aurais pensé, te m'aurais rapporté du tabac." 

S'agissant des temps composés de certains verbes, les auxiliaires "être" et "avoir" sont pratiquement interchangeables ; le même locuteur peut dire "t'as tombé" ou "t'es tombé", "j'a venu" et "j'sus venu", "j'ons été" et "j'sons été". ("être" aux temps composés a aussi bien le sens d'aller que celui de verbe d'état). Les temps composés des verbes pronominaux se forment le plus souvent avec l'auxiliaire avoir et non être "Le chetit du René s'a élevé chez ses grands-pères".

Qu’on nous permette, en écho à la remarque précédente, une dernière observation, mais essentielle. Ces formes, celles de la phonologie comme celles de la morpho-syntaxe, n’ont rien de rigide ni d’absolu : tel locuteur dit ‘’j’ai’’, et prononce [e] (et non [F]) les finales ‘’ait’’ de l’imparfait et du conditionnel, tel autre dit ‘’j’a’’, et en est resté au [G] (‘’aint’’) : "hier i faisaint pas si froid qu'aujourd'hui"; l’un [fErgCn] et [gErlCn] quand l’autre [fErgun] et [gErlun]. Ils se comprennent pourtant, même si aucun grammairien n’a légiféré pour décréter des règles et imposer une norme. C'est le charme des parlers locaux ...

__________________________

TABLEAU DE CONJUGAISON

                                                                                                                                                                                           ETRE AVOIR

 

Indicatif

Conditionnel

Indicatif

Conditionnel

Présent

Futur 1

présent

Présent

Futur 1

présent

j'sus

j' sera

j'serains

j'a / j'ave

j’aura / j'aira

j'airains

t'es

t' seras

/t'serains

t'as / t'aves

t’auras / t'airas

t'airains

il/ol/al est

i/o/a sera

i/o/a seraint

il/ol/al a/ave

il/ol/al aira

il/ol/al airaint

j'sons, nous sons

j'/nous s'rons

j' serions

j'ons / nous ons

j' / nous airons

j'airions

vous êtes [vzet]

vous serez/ serains

vous seriains

vous ez

vous airez / airains

vous airiains

i/o/a sont

i/o/a seront

i/o/a s'raint

is'/os'/as' avont

is'/os'/as' airont

is'/os'/as' airaint

Imparfait

Passé composé

Subjonctif

Imparfait

Passé composé

Subjonctif

j'étains

j'a / j'sus été

que je soye

j'avains

j'a eu ou j'a évu

que j'ave

t'étains)

t'as / t'es été

que te soyes

t'avains

t'as eu ou t'as évu

que t'aves

il/ol/al /étaint

il/ol/al a /est été

qu'il/ol/al soye

il/ol/al avaint

il/ol/al eu ou a évu

qu’il/ol/al ave

j'étions

j'ons / j'sons été

que j'soyons

j'avions

j' ons eu ou évu

que j'avions

vous étiains

vous ez/êtes été

que vous soyains

vous aviains

vous ez eu ouévu

que vous aviains

i/o/a z' étaint

i/o/a z'ont  été/

i/o/a sont été

qu' i/o/a soyent / soyont

i/o/a z'avaint

i/o/a z'ont eu

ou évu

qu' i/o/a z'avent / z'ayent / z'aviont

Impératif

soye, soyons, soyez

Impératif

ave, avons, avez / ayez  [eje]

 

 

 

                                                                                                                                                                                                                                                    CHANTER FINIR

 

Indicatif

Conditionnel

Indicatif

Conditionnel

Présent

Futur 1 *

Présent

Présent

Futur 1

présent

j' chante

j' chantera

j' chanterains

j' finis

j' finira

j' ains

t' chantes

t'chanteras

t' chanterains

t' finis

t' finiras

te ains

i/o/a chante

i/o/a chantera

i/o/a chanteraint

i/o/a chantera

i/o/a finira

i/o/a aint

j' chantons

j' chanterons

je chanterions

j' finissons

j' finirons

je finirions

vous chantez

vous chanterez / chanterains

vous chanteriains

vous finissez

vous finirez / finirains

vous finiriains

i/o/a chantont

i/o/a chanteront

i/o/a chanteraint

i/o/a finissont

i/o/a finiront

i/o/a finiraint

Imparfait

Passé composé

Subjonctif

Imparfait

Passé composé

Subjonctif

j'chantains

j’a chanté

que je chante

j' finissains

j’a fini **

que j' finisse

t' chantains

t’as chanté

que te chantes

t' finissains

t’as fini

que t' finisses

i/a/o chantaint

il/ol/al a chanté

qu’i chante

i/o/a finissaint

il/ol/al a fini

qu’i/o/a finisse

j' chantions

j’ons chanté

que j'chantions

j' finissions

j’ons fini

que j' finissions

vous chantiez

vous ez chanté

que vous chantiez

vous finissiez

vous ez fini

qu'vous finissiez

i/a/o chantaint

i/o/a s'ont chanté

qu’i/o/a chantiont

i/o/a finissaint

i/o/a z' ont fini

qu’i/o/a finissiont

Impératif

chante - chantons - chantez

Impératif

finis - finissons - finissez



                                                        La barre oblique / indique que les termes qui l'encadrent sont équivalents

 

                                                           * Cette forme du futur n'est pas inusitée ; mais on emploie plus souvent le "futur 2" : j'va chanternous vons chanter.

                                                           ** Le verbe finir a un second participe passé, mais assez rare : ‘’finissu’’

                                                                                                                                                                                                                                                       DIRE FAIRE

 

Indicatif

Conditionnel

Indicatif

Conditionnel

Présent

Futur 1

Présent

Présent

Futur 1

Présent

j'dis / j'dise

j'dira

j'dirains

j’faise [fEz]

j’fera [frA]

j'ferains

te dis te dises

t'diras

te dirains

t' faises [fEz]

t' feras [frA]

t' ferains

i/o/a dit / dise

i/o/a dira

i/o/a diraint

i/o/a faise [fEz]

i/o/a f'era [frA]

i/o/a feraint

j'disons

j'dirons

j'dirions

j'faisons

j’ferons [frD]

j'ferions [fErjô]

vous disez

vous direz

vous diriez

vous faisez [fze]

vous ferez [fre]

vous feriez [fErje]

i/o/a disont

i/o/a diront

i/o/a diraint

i/o/a faisons[fzD]

i/o/a f'eront [frD]

i/o/a feraint [frG]

Imparfait

Passé composé

Subjonctif

Imparfait

Passé composé

Subjonctif

j'disains

j'a disu

que j'dise

j’faisains [fzG]

j'a faisu [fezy]

que j'faise [fEz]

te disains

t'as disu

que t'dises

te faisains [fzG]

t'as faisu [fez]

que t'faises [fEz]

disaint

il/ol/al a disu

qu' i/o/a dise

i/o/a faisaint [fzG]

il/ol/al a faisu

qu'i/o/a faise [fEz]

j'disions

j'ons disu

que j'disions

j'faisions [fezjD]

j'ons faisu

que j'faisions

vous disiains

vous ez disu

que vous disiez

vous faisiains

vous ez faisu

que vous faisiez

i/o/a disaint

i/o/a  z' ont disu

qu'i disent

i/o/a faisaint

i/o/a  z' ont faisu

qu'i/o/a faisent

Impératif

dis ! ou dise !

disez !

Impératif

faise ! [fEz]

faisez ! [fEze]

 

 

                                                                                                                                                                                                                                                 ALLER VENIR (VINDRE ou VIEINDRE)

 

Indicatif

Conditionnel

Indicatif

Conditionnel

Présent

Futur 1

Présent

Présent

Futur 1

Présent

j'va

j'ira / j’allera

j'irains/j'allerains

je vins

j'vindra

j'vindrais

te vas

t'iras / t’alleras

t'irains/t'allerains

te vins

t'vindras

t'vindrais

i/o/a va

il/ol/al allera

il/ol/al iraint /

alleraint

i/o/a vint

i/o/a vindra

i/o/a vindrait

je vons - j'allons

j'irons / j'allerons

j'irions /

j'allerions

j' venons /

j' vindons

j'vindrons

j'vindrions

[vGderjD]

vous vez /allez

 

vous irez / allerez

vous iriez /

vous alleriez

vous venez / vindez

vous vindrez

vous vindriez

[vGderje] **

i/o/a vont

i/o/a z' allont

i/o/a z' iront / i/o/a z' alleront

i/o/a z' iraint / i/o/a z' alleraint

i/o/a venont / vindont

i/o/a vindront

i/o/a vindraient

Imparfait

Passé composé

Subjonctif

Imparfait

Passé composé *

Subjonctif

j'allains

j'a ou j'su(s) été

que j'alle

j' venains

j'sus/j'a v'ni/vindu

que j'vinde / vieinde

t'allains

t'a(s) été

que t'alles

te venains

t'es/t'as v'ni /

vindu

que t'vindes / vieindes

il/ol/al allaint

il/ol/al a été

qu'il/ol/al alle

i/o/a venaint

il/ol/al est/a v'ni /

vindu

qu'i/o/a vinde (vieinde)

j'allions

j'ons (j'sons) été

que j'allions

j'venions

je sons / j'ons v'ni(s) / vindu(s)

que j'vindions

vous alliains

vous ez été

que vous alliez

vous veniains

vous êtes / ez) v'ni(s) / vindu(s)

que vous vindiez

i/o/a z' allaint

i/o/a z'ont/sont été

qu'i/o/a z'allent

i/o/a venaint

i/o/a z'ont v'ni / i/o/a sont v’nis / vindus

qu' i/o/a vindent / vieindent

Impératif

va ! vons ! allez ou vez !

Impératif

vins ! v'nons ! v’nez ou vindez!


* bien entendu, aux personnes du pluriel des temps composés, le participe passé s'accordera avec le sujet si on utilise l'auxiliaire être et ne s'accordera pas si on utilise l'auxiliaire avoir.

 **on notera que, pour éviter la répétition proche du son [G] (ain), la conjugaison du verbe venir au conditionnel présent utilise de préférence les terminaisons du français courant.

Nombre de ces expressions ont trouvé place dans le lexique à la place alphabétique de leur mot - clé ou comme illustration de celui-ci. Il m'a pourtant paru souhaitable de les regrouper par thèmes. On ne devra pas s’offusquer de la grossièreté de certains termes. D’autant qu’elle ne signifie pas forcément "vulgarité". Dans la même bouche peuvent, selon les circonstances, fleurir propos scatologiques et délicatesses d’expression inattendues. Ainsi à la bouche du "pépé" à la mémoire de qui ce recueil est dédié, s'il était en désaccord avec son interlocuteur, l’injure venait aisément: "Te commences par m'emmerder", assortie d’une formule rituelle, "en parlant poliment" ou "au respect que j' te dois", que l’on pouvait comprendre comme atténuation ... ou comme renforcement de l’insulte. Mais on l’a entendu, s’adressant à une dame pour qui il éprouvait du respect, évoquer ainsi une sortie nocturne motivée par un besoin physiologique : "Quand qu' je sus sorti c'te nuit pour répandre de l’eau, j’ai ben vu que ça allait faire de l’orage !"Toujours est-il que les formules pittoresques ne manquent pas.

DE LA NAISSANCE A LA MORT

Tiens, voici la Marie, une femme "qu'est toute en Bon Dieu", et dont les maternités se succèdent rapidement : "Elle est tout le temps au lait ou aux œufs". Sa sœur, la Thérèse, c'est une gatte que craint pas les hommes ; "elle aimerait mieux que son père ave un gendre qu'un chapeau neu" ; on peut dire que "le cul li en brûle !"  Les enfants de la Marie sont chétifs : on dirait qu'ils ont "un sang de rave" ;"ils en font point ... ils poussent pas pus que deux oeufs dans un panier’’. Ce n’est pas étonnant car pour qu’ils mangent, ‘’faut les pousser comme des vieilles brouettes’’. Pas besoin de faire une soupe épaisse : "de la soupe de chien de chasse", c’est bien suffisant, et pourtant "ça tient pas au corps". C’est pas comme leur copain Jojo "qu’a les yeux plus grands que la panse""qu'est tout le temps à bramer la faim" ; quand il voit du manger, "ça li brille dans le ventre". Et "i faut pas li en promettre","i s'en passe par le corps" à "se faire peter la sous-ventrière", tellement que des fois "ça li porte au cœur" et que ça lui arrive de "mettre coeur sus carreau". Mais, "en bonne viande" ou "maigres comme des pias", au printemps les enfants "ont l’humeur en mouvement" ; on a beau leur donner du dépuratif, "faut que ça fasse son coup."

C’est souvent que le René, l’homme à la Marie, "a pas pus faim que la rivière a soif" : "un bout de pain de fromage, ça li fait son après-soupe" ; "passée une période", il lui arrivait même de "manger avec les chevaux de bois" (sauter un repas). Il est vrai qu’"un veau que tète bien a pas besoin de foin" et chacun sait qu’il est quasiment tout le temps altéré : "i(l) buvrait la mer et les poissons", "autant de chopines qu’un curé pourrait en bénir". Alors il y a des soirs où "i fait les vingt vies.", où "il en raconte des vertes et des pas mûres". Et le Jules, qu'est pourtant avec lui "comme le cul et la chemise" le traite de soûlasson ; mais "c'est ben l'hôpital que se fout de la charité". Mais il faut reconnaître que le René n'est pas un feignant : ce n’est pas lui qui va "prendre les côtes fortes" à traîner les rues sans rien faire ; "i reste pas les deux pieds dans le même sabot" : "c’est un gars que travaille à plein corps" ; des fois il transpire tellement que "la raie du cul li servirait d'égouttoir".quand il s'y met, y'en a point au pays pour "li foutre le tour"et y'en a guère pour "li tenir coup". Mais c’est "Travaille, mon corps, j’te ferai point de tort". Pour le moment il est costaud, "on li achéterait sa santé" ; mais, "i(l) prend point de soin de son corps" ; "ça fait qu'un jour que va pas ressembler ès autres", "s'il s'achète pas une conduite", i(l) pourrait ben "se trouver sus le flanc" et finir par "attraper ce qu’i(l) mangera pas" ; on peut dire que "ça li pend au nez comme un sifflet de deux sous" et que ça pourrait même lui arriver "en passant par l'année". "C'est ben cent coups pour un" s'il "fait de vieux os". Mais lui ne fait qu'en rire et "ne se creuse pas le tempérament" pour si peu ; comme il le dit, "y'a jamais que les plus malades qu'en crèvent !" Ce n'est pas comme son frère le Fernand ; "çui-là, al est pas devenu gras de lecher les murs" ; c'est qu' "i boude pas contre son ventre" ; "i vaut mieux le charger que le nourrir" ; c'est un gars "qu'est fatigué de rien faire", "feignant comme une couleuvre", "i veut pas en foutre la rame" ; "on peut pas tirer deux sous de service de sa peau", "i doit avoir les côtes en long" et "ses bras sont tout neus".

Le grand-père, lui, "dans son jeune temps", c’était "un morceau d'homme"; il craignait pas d' "aller à sa journée" et, il y a seulement quelques années, quand il travaillait "au petit génie", ma foi, "i(l) tenait encore son bout".Mais à présent "il file un mauvais coton""i(l) tient pus rien que du branle" : il est tout le temps "gelé comme une rave", "il est moitié berlu", "il écoute de l’oreille des canes" et voilà-t-il pas qu'il s'est "froissé un nerf" si bien qu'il a souvent"mal ès reins". Il a même des problèmes intestinaux et il est "comme le chien de la cure que s'endure pas dans son ordure". "Pus ça va, pus c'est pire", "tout s'en mêle pour aller mal." "Te sauras m’y dire""il a une mauvaise pierre dans son sac". "L’année que vint", "s’il en est ès peines", il grattera encore un peu dans son jardin; mais il reconnaît lui-même que " le v'là à bout de bail" et qu’"il serait mieux en terre qu’en pré". Quand les chetits "seront en âge", y’a beau temps que "les dents li feront pus mal’" et qu’il "tirera les pissenlits par la racine." Mais, comme il dit, "au bout du fossé la culbute", "je sus assez vieux pour faire un mort", et, ma foi, "quand qu'on est mort on vaut pas un chien en vie".

CARACTERES ET COMPORTEMENTS

Ils sont dus pour une bonne part à l’hérédité car "les chiens font pas des hièves.". On a beau être malin et avoir de l’imagination, au point "d’inventer le diable sur le poirier" ; on peut bien dire tout ce qu’on voudra, "y a pas à tortiller du cul pour chier droit" : "y a point de malin" et "c'est pas demain la veille" qu'on pourra se vanter "d’avoir vu le loup peter sus la pierre de bois" "C'est pas pour dire", mais c'est vrai qu' "i faut de tout pour faire un monde" : certains prennent soin de leurs affaires, les autres "laissent leur butin (leurs vêtements) bout-ci, bout-là", "en pisse de chien" ; certains même le jettent "comme un chien jette sa merde". Tel est méticuleux, "fignolant", tel autre fait son ouvrage "à la va comme j' te pousse", "à la rabat-boule au bâton" ; bref "c'est ni fait ni à faire". L’un, toujours pressé, toujours à "se fougaler", mène son monde "par un chemin qu’a point d’épines", l’autre prend tout son temps et "amuse le terrain", estimant que "la foire est pas sus le pont" ; voici un distrait qui "trouverait pas son soûl d’eau dans la rivière" tandis qu'un indiscret, non content de "tendre son nez" partout, va "mettre son vieux feugnon" où il n'a rien à faire ; "curieux comme une vieille chouette", il veut "tout savoir et rien payer" car "le cul li brûle" d'être au courant de ce qui se passe chez les autres ; c'est souvent qu' "il plaide le faux pour savoir le vrai" ; avec lui "on sait jamais si c'est du lard ou du cochon."

 "Y’en a des que sont de tous les accords", "que changent d’avis comme de chemise’’, que sont "francs comme une rouette que tord" et n’hésitent pas à "tourner casaque" s’ils y trouvent leur intérêt car ils ne veulent pas "tourner le cul au foin". Ces gens-là n’ont pas de vergogne : "y’a longtemps qu'ils ont passé devant chez le pâtissier", autrement dit "qu’ils ont chié l’honte". Y a des malgracieux, "ça ieux y écorcherait la gueule" de dire bonjour et on dirait qu "ils ont avalé un nid de grelons". D’autres ergotent à l’infini, "font des si et des cas" pour rien ; ils sont "comme les vieux chiens châtrés : ils veulent ni faire ni laisser faire !" 

Il est louable "d’être porté de bon service" pour ses voisins, même si on ne les "porte pas dans sa poche" ! Mais il arrive que ceux qu’on oblige" vous demandent même pas à quoi que c’est bon" et qu’on ne puisse pas "tirer deux sous de service de leu peau". Pourtant "un service en vaut un autre" mais si te penses qu'un gars comme ça va t'aider, "compte là-dessus et bois de l'eau !" On rencontre aussi des individus autoritaires, "qu'ont toujours meilleure raison" : "faut tout le temps qu’ieu vieux chien gagne". Les pires sont les malhonnêtes : pour eux "tout ce qu'est pris craint pas la gelée" ; "ceux-là, quand ils s'en vont, vaut mieux regarder leus mains que leus pieds" ; et, si on cherchait dans leurs affaires, on en trouverait sûrement qu'ils n'ont pas "élevées de jeunesse". Y en a même que sont "ch'tits dans l'âme""que valent pas leur plein cul d’eau chaude". Et il faut se méfier de ceux qui ont l'air un peu simplet car souvent ils sont "plus coquins que bredins."

DES MOTS ET DES COUPS.

Trop parler nuit. De la part d’un enfant, "c’est malpoli de courir à la bouche du monde", "d’avoir trop de langue". Mais les adultes aussi doivent se garder "d’avoir la langue trop longue", "plus longue que les dents". Aussi n’aime-t-on guère "les bat-en-gueule" qui prétendent toujours ?en savoir plus long (que les autres)",  ceux qui ont "une vraie gueule d’empeigne""une gueule d’occasion qu’en vaut ben une neue". Ce sontbavards et vantards qui ont coutume "d’attiger la caquerolle", d’exagérer l'importance de leurs récoltes ("Des patates, j'en ai ben pour les fous et les sages !"), de "faire sonner" leurs mérites et de "se battre la gueule" de leurs prétendus exploits ; ils "sont tout en gueule" et "en font plus avec la langue qu’avec le restant". De toute façon, il ne sert de rien "d'écouter Pierre et Paul" puisque "tout chacun dit la sienne."

Pourtant certaines femmes - des "vieilles tabayes" qu'ont "une bonne tablette" - passent leur temps à "suivre les portes" pour "faire des patifelles" et vont "monter leur banc" chez leurs voisines pour le plaisir de "babletter".Pendant ce temps-là, à l’auberge, on rencontre des vieux tellement sourds qu’ils sont obligés de "se causer à deux doigts du nez". Mais il en est qui font mine d’être sourds quand ça les arrange, provoquant la colère de qui les interpelle : "Parle à mon cul, ma tête est sourde !"  D’autres étalent leur instruction, soulignent les fautes de langage de moins savants qu’eux : "s’ils étaient aussi ramassants qu’ils sont reprenants, il resterait guère de merdes le long des chemins." Quelques jeunes sans expérience prétendent tout savoir : "Ils apprendraint à ieux mères à faire les petits" ! On en connaît qui ont le goût de la contradiction ; vous leur affirmez qu’il pleuvra demain puisque "le soleil se couche la bouteille au cul" ; ils vous répondent que "c'est tout ce qu'on en aura" ou bien qu’"il en tombera pas de quoi chauffer le four", mais "juste de quoi abattre la poussière", comme quand "le diable marie ses filles". (*)

Quand que t'as dit bonjour au Fernand il ne t'a répondu "ni merde ni mange" ? ça serait-il que "te li as vendu des pois qu’ont pas voulu cuire" ou que du moins il s'y serait "mis dans le tuyau de l’oreille" ? Et il est rancunier : ce n'est pas un de ceux de qui on dit "tournée la main, c'est fini" ; ça fait qu'"i te garde un chien de sa chienne". A moins que ce ne soit toi qui estimes qu’ "i t’a fait des crasses", qu’ "li a chié dans tes bottes". Comme il est "pas bien endurant", qu'il faut peu de chose pour le "sortir de patience", que "vaut mieux pas le gratter là v'où que ça le démange pas", ne t'avise pas de lui "chercher des crosses", de lui "chanter pouilles" ou de lui "chercher castille". "Vaut mieux pas y porter cas" et "y prendre de là v'où que ça devient." C'est vrai qu'on en reste parfois à "se lancer des fions" en causant "des grosses dents" : " Si t’es pas content, le bon marché t’aveugle : t’as qu’à n'aller au contentoir !" Mais parfois chacun se prétend le plus fort ; l’un clame : "T’es bien de ma main !" ; l’autre menace : "C’est pas toi que vas me peter lourd aux mains !" Tous deux font "des tortillons de Bon Dieu" et c’est comme cela qu’on "ramasse baraille". Certains, il est vrai, prennent un malin plaisir à "mettre les chiens en chasse", à "emmancher les disputes", pour s’en retirer ensuite. Tandis que d’autres, amateurs de bagarres, "laissent pas ieu part aux chiens". Quand on est raisonnable, "le bon des plans", c'est de ne pas s'en mêler. Car il vaut mieux s’entendre, et ne mépriser personne vu qu' "y’a des fois qu’on est bien content de ramasser avec la main ce qu’on a repoussé avec le pied."

QUESTIONS D’INTERET.

Quelques-uns ont la chance que leurs parents "ieux mettent le cul à l’aise" ; mais, attention ! "belle vie dure pas toujours" et s'ils se montrent dépensiers, ils ont auront vite fait de "manger le balançon". Tant mieux pour "ceux qu’ont de quoi""qu'ont la poche ferrée", mais les femmes n’ont pas intérêt à faire de grands frais de toilette car on aurait tôt fait de dire que "la peau vaut mieux que la bête". Il ne faut pas non plus "se plaindre la gueule pleine". Il vaut mieux faire comme certains qui, sans être riches, "donnent la main" à leurs voisins surchargés de travail et "ne sont pas à la fi" d’un panier de patates ou de quelques bouts de bois pour venir en aide à une femme veuve. Cependant la plupart, pour arriver à joindre les deux bouts, doivent travailler "tout leur chien de soûl" et "pas mettre trop de grillons dans ieu soupe". Encore faut-il "avoir le nez creux", et ne pas "se mettre en cheville" avec des arcandiers, ni "compter les oeufs dans le cul des poules" car bien souvent "c’est quand on veut cuire que le four tombe". Si l’on est imprudent, ça ne sert à rien de "faire la Saint-Martin" tous les ans : "il vous manque toujours dix-neuf sous pour faire un franc""on mange ce qu’on a et ce qu’on a pas" et on se retrouve "un doigt au nez et l’autre au cul". Et comme les marchands, même quand ils "mettent pas des queues aux zéros", "attachent pas leus chiens avec des saucisses", on a vite fait d’ "avoir des nids partout."

C’est ainsi qu’on finit par se retrouver "sus la coche" de ses enfants ; et pourtant eux aussi "ont bien besoin de leu peine." Et si l’un d’eux vous propose d’aller vivre chez lui, un autre supposera peut-être que c’est pour vous soutirer les quatre sous de votre pension car on sait bien que "l’argent a point de queue". De toute façon, si on veut, "avoir ses quatre maîtres d’atout", "un petit chez-soi vaut mieux qu’un grand chez-les-autres".

(*) expression usitée pour signifier qu’il pleut et fait soleil en même temps. On dit ailleurs que ‘’le diable bat sa femme’’.

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EXPRESSIONS COMPARATIVES

adroit de ses mains comme un chien (un cochon) de sa queue amer comme du chicotin - bavard comme une pie - beau comme un Jésus - blanc comme un linge - bon comme la romaine - chaud comme du lessis - clair comme du jus de chique - con comme la lune, comme ses pieds, comme un jeune chien - curieux comme une chouette - dégourdi comme un plat de nouilles - droit comme mon coude quand qu'j'me mouche – droit comme un i - dur comme du chien - emmerdant comme la pluie, comme un boisseau de puces - faux comme un jeton - feignant comme une couleuvre, comme un loir - fin comme du gros sel - foutu comme l’as de pique - frais comme un gardon – franc comme l'or - franc comme une rouette que tord, comme un âne que recule - frisé comme la route de Chevagnes (qui comporte de très longues lignes droites !) - futé comme un cul d’hanneton - gelé comme une rave - gonfle comme une oueille - gracieux comme une porte de prison - gras comme un lard, comme une oueille - gros comme un liron - haut comme ma botte, comme un chien assis - long comme un jour sans pain - lourd comme de la tripe - maigre comme un cent de clous, comme un pias - malheureux comme les pierres - mauvais (ou méchant) comme la gale, comme une teigne - mou comme une chique - noir comme un pitou, comme un boussicaut - orgueilleux comme un pou - patient comme un chat qu'se brûle - peigné comme un chien fou, avec un clou - peureux comme une chouette - plat comme une alose - plein comme un œuf - propre comme un sou neuf - raide comme la justice - plus raide que balle - raide (soul) comme un pias - rouge comme un coq, comme une pivoine - sale comme un peigne - sec comme le bénitier de Gennetines, comme un coup de trique, comme un courlis - simple comme bonjour - soul comme une grive, comme une oueille, comme une vache, comme une godille - souple comme un verre de lampe - trempe comme une soupe - vieux comme Hérode - vilain comme la bête.

aller (ou s’en aller) comme un canard (avoir la diarrhée) - boire comme un trou - se coucher comme les poules - courir comme un dératé - manger comme un chancre - parler comme un livre - pleuvoir comme vache qui pisse - profiter comme deux oeufs dans un panier - ronfler comme un sonneur.

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TERMES ET EXPRESSIONS PREFERENTIELS

On ne dit pas

On dit

 Jacques et moi - feu Picard

nous deux le Jacques - défunt Picard

le premier venu - chacun

Pierre et Paul - tout chacun

autrefois, jadis - précédemment

dans le temps - anciennement

dernièrement, récemment - maintenant

l'autre jour - à présent  

bientôt, prochainement - l’année prochaine - toujours

dans rien de temps - l’année que vient - tout le temps

fréquemment, très souvent - parfois, quelquefois

tous les quatre matins, tout le temps - des fois

peu de temps - cette fois-ci - à chaque fois

(un) rien de temps - ce coup-là - à tout coup

à la nuit noire

à la grosse nuit

volontiers, avec plaisir

c'est pas de refus

éventuellement, le cas échéant

si ça se trouve, si y’en tourne (avec nuance de doute)

au cas où …

en cas que …, des fois que …, si jamais

presque - sinon - cependant, toutefois

quasiment, guère moins - sans ça - par exemple

il arrive que … - en sorte que …

y'a des fois que ... -  ça fait que …

si peu que, pour peu que ... - tellement

moindrement que … - si tellement

beaucoup, largement assez - beaucoup de

gros, mais que d'un, prou - tout plein de

une bonne quantité - plus un seul - une centaine

un bon peu - pus pas mais un - un cent

en grande quantité, à foison

à brenonceaux, à tenant, à tout touche, en veux-tu en voilà

réellement ou complètement, tout à fait, ouexactement

mêmement

n'être bon qu'à ...

être rien que bon à ...

le poulailler, le clapier, la soue, l'étable, …

l'écurie des poules, des lapins, des cochons, des vaches, …

un coquelicot

un pavot

cela va de mal en pis

p(l)us ça va, p(l)us c'est pire

tous comptes faits

l’un dans l’autre

au fond de lui-même

dans ce qu'il est

la meilleure solution

le bon des plans

le visage

la figure

la jument

la chevaude

un porc

un cochon, un siam, un lard, un habillé de soies

un médicament   

un remède

faire les courses

faire les commissions

de la mâche - des ciboulettes - des girolles

                  de la doucette - des cives - des cocherelles

venir à l’esprit

venir à l’idée

les vêtements - du linge - un pantalon

les habits - du butin - une culotte

une tarte

une galette

                              excellent, délicieux

bon comme tout, bon de la vie

laid

vilain

                                séduire - caresser

détourner - flatter

parler - contredire

causer - dédire

cueillir - entrer

ramasser - rentrer

  filtrer

passer, couler

agile

habile

s'imaginer

se figurer

tousser

pouffiner

dénoncer, trahir

vendre

un adulte - un enfant

une grande personne - un chetit

                                          la foudre

le tonnerre

du bruit - des potins

du potin - des paquets, des patifelles.

 

  

C’est la mère à la grenaude

Que donne et que dôte

C’est la mère à la serpent

Que donne et que reprend

(comptine servant à stigmatiser la conduite de quelqu’un qui veut récupérer ce qu’il a offert)

 

- Vingt cent mille ânes dans un pré et cent vingt dans l’autre, ça fait combien de pattes et d’oreilles ?

- Six pattes et quatre oreilles !

- Vincent mit l’âne dans un pré et s’en vint dans l’autre.

- Te renif(l)es donc toujours, mon Jean ?

- Ardié oui, ma tante, pour pas en perdre l’accoutumance

 

Allons à la noce Du cousin Bobosse

Ramasser des plosses

Pour la jeune mariée, pour son déjeuner

 

Avisse ! tout chien qui pisse lève la cuisse.

(formule saluant le passage du garde-champêtre et de son tambour)

Abiscouti ? Grainsmouti ? Abiscou. Grainsmou.

Dialogue entre un meunier et un tailleur :

‘’Habit se coud-il ? - Grain se moud-il ?

Habit se coud. - Grain se moud !’’

 

Hé là, mon Dieu, tant de poules et point d'œufs !

Tant de filles et point d'amoureux !

 

Si t'as faim, mange une de tes mains et garde l'autre pour demain


Si te sais pas quoi faire, gratte-toi la boule des genoux,

ça te fera des bas rouges

 


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DICTONS ET PROVERBES

Les chiens font pas des hièves. Tel père, tel fils.
L'argent a point de queue. L'argent liquide ne laisse pas de traces
L'orgueil appartient qu'aux imbéciles. sans commentaires !
C'est pas toujours la poule que chante qu'a fait l'œuf. Certains se vantent de ce que d'autres ont fait.
Tout ce qu'est pris craint pas la gelée. Un "tiens" vaut mieux que deux "tu l'auras".
C'est l'hôpital que se fout de la Charité.

Il critique chez un autre les défauts qu'il a lui-même

Belle vie dure pas toujours. Tel qui rit vendredi dimanche pleurera
C’est quand on veut cuire que le four tombe
Au bout du fossé la culbute.
Faut pas compter les œufs dans le cul des poules. Il ne faut pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué.
Faut pas demander au malade s'i(l) veut la santé !
Courir et tomber, c'est pas une avance. Rien ne sert de courir, il faut partir à point
Faire et défaire, c'est toujours travailler
Les bons jaus sont maigres Les hommes maigres sont les meilleurs amants
Qui voit ses veines voit ses peines
Faute d'être pansés les chevaux en crèvent

Jeu de mots sur les verbes "penser" et "panser"

Réplique à quelqu'un qui s'excuse en disant "je n'ai pas pensé à …"

Tout ce qui rentre fait ventre Tout ce qu'on mange profite
La raie du cul me démange : c'est signe de bonne soupe.

Y'a des fois qu'on est bien content de ramasser

Avec la main ce qu'on a repoussé avec le pied

Tout ce qu'on peut obtenir est bon à prendre